Poignant et reflétant mille et une richesses musicales, « Ensen » d’Emel est une offrande inestimable qui nous est faite, avec générosité et humanité. Un disque remettant l’individu au cœur de l’art, à travers des choix artistiques sensibles et chaleureux.
Se tenir debout. Tendre les bras en signe de victoire ou d’accueil de l’autre afin d’apporter soutien et réconfort. Ne jamais les baisser. Ne jamais faillir ni sombrer. Emel Mathlouthi fait partie de ces femmes dont le visage et l’art ont changé le monde. En Tunisie, elle s’est levée, fière et libre, lors de la révolution du Jasmin en 2011, chantant pour sa patrie, pour l’âme de son pays, pour son peuple uni derrière sa performance et son audace. Aujourd’hui, Emel offre à sa parole un écrin universel grâce à « Ensen », disque fabuleux et émouvant, contenant tout ce qui fait l’originalité et l’identité d’une musicienne questionnant chaque affirmation, chaque mélodie, chaque mot. Un visage dans la foule, qui grandit et s’illumine tout en trouvant ses racines dans des terres arides que le sang a nourries.
Un vent sauvage et brûlant nous entoure, nous emprisonne ; et, au loin, des bruits, des sonorités électroniques souvent envoûtantes (« Instant ») mais parfois effrayantes car proches de l’angoisse personnelle et profonde, du tourment qui conduit à la révolte et à la délivrance (« Thamlaton »). Chez Emel, il demeure constamment une forme incomparable de réinvention et de réinterprétation, faisant de l’artificiel un naturel saisissant ; comme si le trip-hop de « Lost » et « Princess Melancholy » devait irrémédiablement trouver un équivalent acoustique dans les bribes éclatantes du bouleversant « Sallem », où le rythme se fait discret pour n’être plus que la pulsation cardiaque d’instruments réels, palpables et brillants. La sobriété du jeu harmonique se fait primordiale, nécessaire à la valorisation des élans plus synthétiques qui parsèment l’album, quitte à en épouser les formes afin de mieux les troubler (« Kaddesh », « Shkun Ena »). Et, dans ces torrents froids et pourtant revigorants, le chant flotte, vole, parcourt des époques ancestrales et millénaires et se fait chair, unique, magique (inoubliable bonus track, « Fi Kolli Yawmen »).
L’essence d’une créatrice qui sera avant tout une parole, un poème épique et onirique que l’on récitera dans les périodes de doute et d’incertitude. Un guide spirituel qui éclaire nos ténèbres en apprivoisant les siennes, en puisant au fond de son être la force surréaliste et poignante pour continuer, à la sueur de son front, à marcher, aller de l’avant. Qu’importe si l’on chute ; « Ensen » nous relèvera toujours, ami précieux et confident fidèle. Se tenir debout. Tendre les bras. Pour mieux nous perdre et pleurer dans ceux d’Emel.
« Ensen » d’Emel est disponible depuis le 24 février 2017 chez Partisan Records.
Retrouvez Emel sur :
Site officiel – Facebook – Twitter
