[EP] Payne – Someone Is Missing

Le mystère reste entier à l’écoute de ce premier opus de Payne, planant au-dessus de nos têtes avant qu’une brume entêtante et délicate ne vienne nous entourer de son aura fabuleuse et rêveuse. Un disque dont la beauté intérieure éclate de mille lueurs fantomatiques devant nos yeux, révélant la justesse de son propos dans des instrumentations sobres et angéliques.

Passant de l’illustration à la musique en s’étant donné le temps d’accomplir une si difficile transition, l’artiste française installée à Bruxelles Johanna Lorho a regardé les années s’écouler et l’inspirer, intimement et doucement, pour laisser infuser les saveurs délicieuses et thérapeutiques de Payne. « Someone Is Missing » est le résultat de cette période introspective, de ces minutes contemplatives qui cherchaient l’unique moyen de s’exprimer, enfin, à l’air libre. De quelle manière ? Dans quel but ? En choisissant la simplicité – du moins, en apparence -, elle s’offre le luxe de l’immédiateté et de la franchise, nous conviant à une veillée nocturne autour de feux follets nous encerclant pour mieux nous posséder.

« Feed The Dark », nourriture spirituelle dédiée à la nuit, se fait chamanique à travers son orgue pulsatif et tendre, bientôt rejoint par des arpèges de piano qui deviennent un mantra obsédant et hypnotique. Et, tout au long de cette œuvre chargée d’intemporalité et de frémissements, Payne passera du confort de cordes doucereuses et suaves (« White Mountain », « The Wrong Boy », aux chœurs parfaits) à une excitation neuronale cathartique et effervescente (l’intensité prégnante de « September », la course effrénée puis essoufflée de « What I Deserve »). Comme si la douleur, enfin ciblée, devenait le moteur d’émotions paradoxales qu’il faut soulager et sentir quitter nos corps en traversant aussi bien notre esprit que notre épiderme, avec une liberté harmonique tour-à-tour progressive (« The Barn ») et murmurée (« June »). En sept offrandes tout sauf classiques dans leur structure et leurs intentions, Payne détourne les codes de la composition populaire pour y insuffler une existence palpable, une originalité qui ne cesse de nous troubler et nous fasciner.

« Someone Is Missing » ; mais peut-être que l’être absent n’est autre que le public lui-même, à qui ces comptines de la mélancolie et de la sagesse sont enfin données en cadeau pour mieux les porter et les faire vivre, en les partageant et en les ressentant. Fébrile puis affirmé, ce premier effort de Payne marque une étape indispensable et incomparable dans la musique la plus viscérale et émouvante, là où la voix de Johanna nous éclaire et nous aide à retrouver notre chemin dans la grisaille et les bruits lointains de la ville ; cette cité que l’on ne veut plus retrouver, pour mieux s’égarer sur les terres d’une artiste accomplie et fascinante.

« Someone Is Missing » de Payne, sortie le 5 mai 2017 chez Matamore / Differ-Ant.


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Raphaël Duprez

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