Troisième album pour le quintet grec No Clear Mind, et l’on devine dès les premières mesures du disque que l’on tient là un OVNI musical hors du temps et de l’espace, délétère et déliquescent. L’objet ne ressemble en effet à rien de connu ni d’entendu, et confirme tout le bien que l’on pense de ce projet aussi attachant que cérébralement et émotionnellement captivant.
Plonger dans l’art de No Clear Mind, c’est accepter de pénétrer dans un monde inconnu, cotonneux et confortable ; un courant chaud et profond qui nous entraîne bien au-delà des limites du réel et de l’imaginable, où la perception des sens est radicalement bouleversée par les éléments qui nous entourent et par ces voix célestes qui nous guident dans des instrumentations à la fois mélancoliques et rassurantes. « Makena », le lieu paradisiaque auquel nous sommes invités, peut se montrer dangereux car addictif pour tous ceux qui ne s’y seraient pas préparés ; un voyage hors du temps et de l’espace, où nous nous perdons dans l’immensité de la contemplation et de la solitude. Un phénomène étrange, intrigant et immédiatement cathartique. Il suffit alors de franchir le cap et de voir nos corps se liquéfier et s’unir à la matière pour ne former plus qu’un, comme la lave la plus lumineuse entraîne la roche la plus âpre.
Dès l’introduction parfaite et aérienne qu’est « In June », annonce d’une saison estivale pendant laquelle le repos sera de mise, le groupe déploie des trésors de plaisir et d’ingéniosité, mêlant guitares délicates et claviers éthérés et chaleureux. N’oubliant jamais de laisser parler le feu brûlant de leur inspiration au détour de certaines parties plus envolées (« Saint John », « Starless Night »), nos nouveaux meilleurs amis mélodiques ancrent leur matière dans des ambiances étirées et épurées, quelque part entre l’influence du psychédélique et l’omniprésence de la sensation de longévité et d’immortalité de leurs harmonies inattendues (« Makena », « No Man Is An Island »). Parfois rock et flirtant avec le folk dans des structures pourtant rarement précises et classiques (« Lulu », « Sonnee »), No Clear Mind embrume nos esprits pour mieux les capturer dans ses filets et nous emmener dans des songes précieux et rares, que l’on ne pourra jamais oublier ni refouler dans les mois à venir. Condamné à redécouvrir ce miracle sonore de manière régulière, l’auditeur ne sera capable que de se laisser transporter, toujours plus loin, toujours plus haut.
« Makena » demeurera longtemps un LP indispensable car inconnu et compliqué à définir. Bouleversant nos hypersensitivités en leur donnant enfin une totale liberté d’expression, il se vit avant de se décrire, s’injecte dans nos veines afin de mieux nous soigner de nos maux les plus enfouis et inavouables. En un peu moins d’une heure, No Clear Mind a su torréfier la sève des douleurs et des désirs pour en extraire l’élixir de vie et de bonheur, amenant autant au sourire qu’à l’introspection. Au bord du vide, chacun sait qu’il ne pourra que prendre son envol et se sentir pousser des ailes, avant de toucher les nuages et, en altitude, ce qu’ils dissimulent de plus secret et revigorant. Une œuvre exceptionnelle et qu’il ne faut absolument pas manquer !
« Makena » de No Clear Mind est disponible depuis le 1er décembre 2016 chez 568735 Records DK.
