[Interview] Christian Maugein, directeur et fondateur des Primeurs de Massy

Directeur et fondateur des Primeurs de Massy qui fête cette année ses 19 ans, Christian Maugein revient sur l’histoire de ce rendez-vous musical automnal, qui réunit chaque année, les groupes et artistes auteurs d’un premier album. L’occasion nous a donc été donnée de définir, avec l’homme à l’initiative de cette grande et belle aventure humaine et musicale, l’ADN singulier de ce festival, qui n’a de cesse de mettre en lumière les futurs grands noms de la musique en France.

Christian Maugein devant le centre culturel Paul B, salle de spectacles qui accueille les Primeurs de Massy
Christian Maugein devant le centre culturel Paul B, la salle de spectacles qui accueille les Primeurs de Massy
  • Bonjour Christian. Pour commencer, j’aimerais que tu te présentes : qui es-tu, quel est ton rôle au sein des Primeurs de Massy et quel est ton parcours ?

Je suis directeur et aussi fondateur du festival que j’ai créé avec Olivier Poubelle entre autres producteur de spectacles et gérant de salles que l’on connaît (NDLR : Asterios Spectacles qui gère les salles parisiennes de la Maroquinerie, des Bouffes du Nord, du Bataclan et de La Flèche d’or).

  • Lancé en 1998, le festival les Primeurs de Massy fête ses 19 ans cette année. Peut-on revenir sur sa création ; sous l’impulsion de qui, comment et avec quels partenaires pour croire dans cette aventure culturelle ?

C’est donc avec Olivier Poubelle que j’ai créé ce festival, l’impulsion c’est donc la nôtre et nous avons trouvé des oreilles attentives à ce projet et donc de soutien financier puisque c’est de cela qu’il est question en premier lorsqu’on veut lancer un tel évènement. Nous avons eu la chance dès la première année d’avoir plusieurs partenaires financiers ; tout d’abord le plus important celui de la ville de Massy, mais aussi le département de l’Essonne et même de l’État. La SACEM et Le CNV ont aussi été présents dès la première année.

  • Dans Primeurs, il y a l’idée de faire découvrir certains grands artistes de demain : si on jette d’ailleurs un œil avisé aux « Primés » des années précédentes, on retrouve d’innombrables groupes qui nous sont familiers. Les Primeurs de Massy s’inscrit-il dans l’idée d’un festival défricheur sinon prescripteur de tendance ?

C’est l’esprit même du festival puisque nous nous intéressons qu’aux artistes à l’occasion de la sortie du premier album : c’est donc un festival ou les artistes ne sont programmés qu’une seule fois et qui n’ont qu’à de rares exceptions pas encore de public constitué. Fatalement sur une telle thématique, nous apparaissons comme un espace de découvertes et de nouveautés. En ce qui concerne les tendances, c’est bien les artistes qui les décident et le festival en est donc une vitrine.

  • Les Primeurs de Massy, c’est un festival dédié aux projets, groupes et artistes, qui s’inscrivent dans la démarche d’un premier album : qu’il soit déjà disponible et dont la sortie est imminente. Cette année, du mercredi 26 octobre au samedi 29 octobre, on pourra y découvrir cinq projets par soir. Comment et sur quelles bases sont choisis les artistes et groupes ?

Les idées directrices sont pour nous la pertinence artistique, la personnalité des compositions et la qualité d’écriture, après tout est possible. La famille musicale par exemple ne nous importe pas. Sur ce postulat, nous sélectionnons les vingt artistes qui, à nos oreilles, ont le plus d’intérêt et il faut alors les ranger dans les quatre boîtes que constituent les soirées. C’est là que commence un travail délicat où il est important de bâtir des soirées avec des groupes qui ne se ressemblent pas, mais qui ne s’entrechoquent pas. Nous ne voulons surtout pas présenter des soirées sur des thématiques particulières qui pourraient être lassantes, nous voulons que chaque jour raconte une histoire différente en parcourant plusieurs émotions, quitte à ce qu’à un moment une surprise vienne bousculer le public.

crédit : René Habermacher
Rocky – crédit : René Habermacher
  • As-tu l’impression de prendre des risques en participant au choix des groupes programmés sachant qu’ils ont « déjà » sorti un premier album ?

Il n’y a pas particulièrement plus ou moins de risque avant ou après un premier album dès l’instant que l’on connaît les artistes que l’on programme, ce qui est notre cas. Nous ne programmons pas d’artistes qui ne sont pas prêts à affronter la scène, mais nous ne le ferions pas non plus en dehors d’un album. Il peut y avoir des maladresses par manque d’aisance, mais pas de carence trop flagrante. Proposer un artiste trop fébrile sur scène ne serait pas un service à lui rendre et serait irrespectueux pour le public qui vient voir un spectacle et non pas une jam ou une répétition.

  • Je vois cela de mon point de vue la sortie d’un premier album comme une première garantie, l’assurance que le projet n’en est plus à ses balbutiements, mais bien dans une démarche de professionnalisation, si ce n’est pas déjà le cas…

L’idée du premier album n’est pas une lubie, c’est la volonté de présenter un artiste ou un groupe lorsqu’il a décidé de livrer une part de lui-même de façon irrémédiable. C’est un passage toujours difficile de livrer une première œuvre au public en laissant une trace indélébile ; c’est à la fois un moment de courage, mais aussi une grande intensité émotionnelle, car les premières œuvres sont faites de l’accumulation des émotions depuis la naissance. Ce sont donc des productions extrêmement touchantes, les suivantes sont fatalement plus réfléchies.

crédit : Nicolas Despis
Radio Elvis – crédit : Nicolas Despis
  • L’entourage du projet (tourneur, manager, signature sur label…) pèse-t-il sur la balance ?

Nous n’accordons aucun crédit à ce genre de considération ; la qualité de l’entourage peut donner quelques indications sur la qualité artistique, mais rien de plus. Quant au succès, l’histoire est cruelle pour pas mal de buzz et de réussite programmée. A contrario, dès la première édition, nous avions programmé Tryo qui n’avait aucun entourage et, d’ailleurs, leur premier contrat discographique a été signé dans les loges du festival.

  • En regardant bien la programmation de cette année, à l’instar de TheAngelcy (Israël), de The Dizzy Brains (Madagascar) ou de Tamer Abu Ghazaleh (Palestine), la sélection des Primeurs de Massy ne concerne pas exclusivement des groupes français. Cependant, on devine une histoire forte entre la France et ces groupes. Peut-on dire alors que la démarche du groupe de se développer sur le territoire français entre en compte pour intégrer la programmation ?

Effectivement, nous nous attachons à programmer des artistes pour lesquels la France est un territoire de prédilection soit parce qu’ils y résident soit parce que la production y attache une importance particulière pour leur développement. Il nous arrive de proposer des artistes internationaux qui sont juste en tournée, mais ça reste marginal.

  • Parlons du lieu des Primeurs de Massy : Paul B, salle de musiques actuelles en Essonne, au sud de Paris. Pourquoi et comment est née cette histoire avec cette salle ?

C’est l’histoire d’une salle de spectacles généraliste qui était un peu mal foutue pour le théâtre et la danse et dont le directeur pensait qu’il était inutile, en région parisienne, de vouloir absolument que les lieux de spectacles présentent toutes les formes artistiques ; d’autant que quand on s’oblige à tant de diversité, on ne peut pas le faire avec beaucoup d’audace. Cela remonte au début des années 90, il y avait beaucoup de théâtre présenté dans les salles de spectacles, mais peu de musique et encore moins de musiques actuelles. Un directeur motivé, de la passion pour la musique, des élus locaux qui jouent bien le coup et c’est comme ça que Paul B renaît avec sa spécificité musicale.

crédit : Guiseppe Sansonne
crédit : Guiseppe Sansonne
  • Depuis 2015, Les Primeurs de Massy a une petite sœur, les Primeurs de Castres, qui se déroule cette année sur trois jours, du jeudi 27 octobre au samedi 29 octobre, dans la salle de musiques actuelles castraise Lo Bolegason. On y retrouve la même programmation et le même format : cinq groupes par soirée. Comment les deux lieux, les deux organisations, travaillent-ils ensemble pour définir une identité musicale et culturelle commune ?

C’est assez simple ! Avec François Beaudenon qui programme avec moi, nous avons intégré Olivier Nicaise, directeur du Bolegason dans ce qui est donc maintenant une petite équipe de programmation. Nous le connaissions bien et depuis longtemps et lui-même connaissait très bien Les Primeurs de Massy. Par ailleurs lorsque nous avons décidé de faire Les Primeurs de Castres, cela impliquait que l’équipe du Bolegason intégrait tout l’ADN des Primeurs de Massy. Globalement, pour être concis, il n’avait que le choix d’être d’accord avec la totalité du projet… Si nous sommes favorables à ce que le Bolegason soit force de proposition, il faut en revanche que l’esprit des Primeurs demeure.

  • L’an prochain, les Primeurs de Masse fêtera inévitablement ses 20 ans : une soirée anniversaire avec des groupes ayant participé aux précédentes éditions est-elle envisageable ?

Je ne pense pas que nous ferons ça, car cela pervertirait à mon sens l’esprit des Primeurs. Ce serait très difficile d’avoir une soirée avec des artistes connus, reconnus ou tout au moins dont la carrière est installée au milieu de soirées de découvertes, on risquerait alors d’avoir des publics différents, or le public c’est quand même aussi pour lui qu’on fait tout ça, et sans lui nous ne sommes rien.

  • Pour résumer, les Primeurs de Massy 2016, c’est donc du 26 au 30 octobre, à Paul B de Massy. Si tu devais donner à nos lecteurs quelques bonnes raisons de s’y rendre, quelles seraient-elles ?

Avec cinq concerts par soir et le passé du festival, le risque est grand d’y entendre des bonnes choses avec un petit temps d’avance. L’ambiance est bonne, la décoration étonnante, on y boit et on y mange de bons produits.

Les Primeurs de Massy 2016

  • Pour finir, quels sont les meilleurs souvenirs des éditions précédentes ? Aussi, quelles sont tes plus grandes fiertés à ce jour ?

Les meilleurs souvenirs, je ne sais pas, il y en a tellement et ils sont souvent mêlés aux fiertés… Mais en vrac, je dirais le concert de fureur de Ghinzu, celui tout étonnant de Camille, Babar Luck illustre inconnu mais immense artiste iconoclaste, le deuxième concert de Sanseverino dans le bar, le deuxième puis le troisième concert de Fantazio dans les espaces « publics », la ferveur du public pour Feu! Chatterton et l’écoute passionnée et attentive du public pour ces étranges Coréens de Jambinai !


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Fred Lombard

Fred Lombard

rédacteur en chef curieux et passionné par les musiques actuelles et éclectiques