[Live] Les Eurockéennes de Belfort 2016, jour 2

Cette année du vendredi 1er au dimanche 3 juillet se tenait la 28e édition des Eurockéennes de Belfort. Un programme alléchant, mais assez inégalement réparti, avec son lot de déceptions, de surprises, de franches réussites ou de ratages complets. Il y en avait en tout cas pour tous les goûts, toutes les couleurs et nous étions sur place en immersion totale pour vivre ces trois jours intenses de musique, de fun, mais aussi de bonne bouffe et d’aventures en tous genres.

Beck © Lucie Rimey Meille
crédit : Lucie Rimey Meille

Sur le papier, la programmation du samedi 2 juillet des Eurocks 2016 est la plus faible, la plus étrange aussi. L’avantage, c’est qu’il n’y a pour le coup aucun dilemme réel, et chaque créneau dégage un artiste qui nous intéresse nettement plus que les autres ou nous permet même de souffler un peu, ce qui est toujours bienvenu dans un festival. Pas de chance, les deux premiers artistes à jouer, YAK et Last Train seront encore une fois trop tôt pour que nous puissions arriver à temps sur les lieux, et c’est bien dommage à en juger par leurs prestations lyonnaises récentes (YAK aux Nuits de Fourvière, Last Train aux Nuits Sonores).

crédit : Lucie Rimey Meille
crédit : Lucie Rimey Meille

Nous arrivons donc à temps sur la plage pour The Inspector Cluzo, improbable duo gascon (originaire de Mont-de-Marsan pour être précis) qui vante les mérites du terroir et de valeurs d’un autre âge comme la famille et le retour à la terre avec un sérieux déstabilisant via un hard rock classique un brin délirant. On ne sait jamais trop avec ce discours où se place exactement le groupe, et sa musique en forme de blague va bien cinq minutes, mais finit par lasser, malgré des riffs sympas et une voix stridente assez intéressante. Nous partons ensuite vers la Greenroom pour attraper au vol quelques morceaux des très sympathiques Allah-Las mais nous filons rapidement vers la Mainstage pour nous placer tout devant au concert attendu de Beck, habitué du festival, mais grosse tête d’affiche internationale de la soirée.

crédit : Jérémy Cardot
crédit : Jérémy Cardot

Là, surprise, les personnes qui ont eu la même idée que nous ne sont pas là pour Beck, mais pour Louise Attaque, qui jouera plus de deux heures après. Nous sentons le syndrome désagréable des Insus de la veille pointer le bout de son nez et restons sur nos gardes. Une discussion surréaliste avec des adolescentes agrippées aux barrières du premier rang, mais venues pour le groupe de Gaëtan Roussel et qui n’ont jamais entendu parler de l’Américain se terminera sur une crise d’hystérie de l’une d’entre elles lorsque nous lui apprenons que Nekfeu jouera le lendemain au festival. Néanmoins Beck Hansen arrive rapidement sur scène devant une foule très compacte, toujours aussi fringant, toujours aussi cool. « Cool » est sans doute l’adjectif qui sied le mieux à l’impeccable concert de l’Américain, d’une durée plus qu’honorable (une grosse heure et quart) et qui revisite l’essentiel de sa discographie, avec un accent certain placé sur les disques les plus rock et les plus funk du bonhomme.

Exit donc « Morning Phase » dont rien ne sera joué, exit aussi « Sea Change » dont seuls les extraordinaires « Paper Tiger » et « Lost Cause » seront retenues, mais place à « Guero », « Odelay » ou « Midnite Vultures » qui se taillent tous trois la part belle de ce concert, avec des morceaux aussi incontournables que « Devil’s Haircut » (qui ouvre le concert) ou « Where It’s At » (qui le clôt dans une version étirée jouissive), « Sexx Laws » et ses samples de cuivres entraînants, ou encore « Black Tambourine ». Outre l’excellence du set, on retiendra surtout la perfection du mixage et du son en général (enfin, sur la Mainstage !), la classe énorme de Beck Hansen sur scène, et la qualité de ses musiciens, tous géniaux, qu’il prendra bien soin de présenter via un medley incorporant du David Bowie, du Chic, du Prince et même du Kraftwerk en fin de concert. Ne cherchez pas, Beck est forcément plus cool que vous.

Après cette baffe monumentale qui vient égayer une journée un peu éteinte et pas des plus excitantes – à ce titre nous sommes bien contents d’échapper au concert de Son Lux, de sinistre mémoire en live il y a deux ans au Pitchfork Paris – nous passons devant Lou Doillon qui n’a pas l’air si soporifique que ça en live, même si son public est manifestement constitué principalement de lecteurs vieillissants des Inrocks et de Télérama. C’est l’heure de faire semblant de choisir entre deux groupes français qui jouent en même temps : d’un côté Air sur la plage (vous avez dit cool ?), de l’autre Louise Attaque sur la Mainstage. Le souvenir des Insus la veille étant suffisamment cuisant comme ça, nous préférons largement chiller et planer sur la Plage en compagnie des mélodies entêtantes et vaporeuses de Jean-Benoît Dunkel et de Nicolas Godin. L’écrin sableux de cette scène est parfait pour les ambiances cotonneuses et oniriques gentiment défoncées du duo français, qui fête en tournée la sortie d’une compilation pour les vingt ans de carrière du groupe.

L’occasion de revisiter tous ses classiques devant un public pas si connaisseur que ça si l’on en croit ce qui se dit autour de nous au début du set. « Cherry Blossom Girl » et une version instrumentale délicate de « Playground Love » – mais sans saxophone, gros regret – arrivent assez rapidement, et tout aussi rapidement se soulève une interrogation : tout ceci est fort joli, planant à souhait, mais nous ne pouvons nous empêcher de voir de gros défauts qui sur disques ne paraissent pas si prégnants. Toutes les chansons finissent vraiment par se ressembler (un argument bien rodé des détracteurs du groupe), rien de décolle vraiment comme cela pourrait et le concert frôle dangereusement le passage de planant à mou. Néanmoins, alors que nous quittons avant la fin les lieux pour courir voir Foals (une promesse autrement plus dynamique sur scène) à la Greenroom, ce sont les notes de deux classiques majeurs du groupe qui parviennent jusqu’à nos oreilles et nous font presque regretter d’être partis : le groupe joue, en effet, en fin de set « Sexy Boy », tube éthéré de l’année 1998, et surtout « La Femme d’Argent », du même album « Moon Safari ». Ne manquait plus que « Le Voyage de Pénélope » et nos regrets eurent été éternels. Pendant ce temps, les violons de Louise Attaque se déchaînent au loin sur « J’t’emmène au vent » et doivent faire beaucoup d’heureux.

crédit : Brice Robert
crédit : Brice Robert

C’est donc en planant plus ou moins gentiment (ou sévèrement, c’est selon) que nous nous dirigeons vers la Greenroom pour Foals, à la très solide réputation sur scène. Pas vraiment remis de la rencontre fortuite avec Yannis Philippakis à l’espace presse dans l’après-midi (le magnétique chanteur s’étant arrêté à notre niveau alors que nous téléphonions, nous lançant un indéchiffrable regard qui nous laissa interdits), c’est de pied ferme (et sautillant) que nous abordons le concert attendu du combo britannique, second gros événement de la soirée pour nous. Habitué désormais des festivals énormes ou des grandes salles de concert, le groupe dont le math-rock festif des débuts a aujourd’hui évolué sur un arena rock sombre et plus mature, mais moins gratifiant en studio (avouons que les derniers albums ont de copieuses longueurs) est vraiment taillé pour la scène et nous le démontre une fois de plus ce soir.

La (très) bonne idée du groupe, c’est de ne pas sur valoriser ses deux derniers albums dans la setlist. « Antidotes » est ainsi aussi représentés que « What Went Down » et « Holy Fire », au curieux détriment de l’excellent deuxième opus « Total Life Forever » dont ne réchappe que (et fort heureusement !) le sublime « Spanish Sahara ». Pour le reste, la setlist alterne des morceaux des trois autres albums, enchaînant tube après tube après morceaux imparables. Le groupe dégage une énergie et une puissance rares qui témoignent de l’excellente synergie entre les musiciens. Le son est absolument énorme, faisant ricocher les riffs et les rythmiques démentes un peu partout dans la nuit calme et dégagée. Après une ouverture de rigueur sur « Snake Oil » et « Olympic Airways » suivis de très près par un incontournable « My Number » qui fout le feu au public, le groupe explore sa face introspective et sombre (« Spanish Sahara », superbe) et démolit tout sur son passage avec « Mountain At My Gates » ou, plus loin dans la setlist, « Inhaler » et son riff monumental qui fait voler les spectateurs un peu partout au-dessus du public.

crédit : L'épiphanographe
crédit : L’épiphanographe

Le dernier morceau joué ravit les fans de la première heure puisqu’il s’agit du très enjoué – irrésistible même – « Two Steps Twice », conclusion idéale d’un concert de très haut vol, qui vient avec celui de Beck remonter le niveau d’une journée en demi-teinte, à l’image du tiède set de Disclosure, dont le catastrophique deuxième album, « Caracal », ne sera que très peu joué ce soir. Malgré tout, tous les paradis artificiels du monde ne pourront cacher la triste vérité, Disclosure n’est plus ce qu’il était il y a quatre ou cinq ans, c’est devenu une grosse machine house aux tubes formatés qui en deviennent presque irritants. On appréciera de réentendre quelques-uns de leurs meilleurs singles issus de « Settle » (« F For You », « When a Fire Starts To Burn, « Latch », etc), mais le mal est fait, la sauce ne prend plus vraiment et leur musique est aussi fatiguée que nous.

crédit : L'épiphanographe
crédit : L’épiphanographe

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Maxime Antoine

cinéphile lyonnais passionné de musique