[Interview] Postaal

À l’occasion de la sortie de leur premier EP, « AA1 », le 3 juin, les deux membres de Postaal, le Londonien Dennis et le Parisien Hervé, posent des mots sur leur musique commune. Entre rude époque et élan positif, entre la France et l’Angleterre, apparaît alors une discussion de passionnés, de touches à tout qui ont pour volonté de construire un art contrasté, vaporeux et puissant.

Postaal
crédit : Lorelei Buser Suero
  • Bonjour Dennis et Hervé. Vous êtes respectivement originaires de Londres et de Paris. Comment le projet est-il né ? Votre nom, Postaal, vient-il des correspondances que vous entreteniez à distance pour composer à deux vos premiers titres ?

Nous nous sommes rencontrés à Paris, mais c’est vrai, notre nom symbolise les collaborations à distance puisque c’est de cette façon que nous avons beaucoup travaillé entre nous ; mais aussi, d’une certaine manière, avec les correspondances que nous entretenons avec ces voix a capella d’une autre époque.

  • Votre musique évoque la jeunesse et tous ses questionnements, ses ambivalences, ses doutes… Vous y associez une musique électronique à la fois vaporeuse et puissante. Comment définiriez-vous, en vos termes, votre univers et vos compositions ?

Il y a beaucoup de social et de contenu lourd en émotions dans nos chansons, qui sont directement inspirées par la dure réalité qui nous entoure. Cependant, nous voulons juxtaposer ce contenu à la musique qui apporte une énergie positive, un moteur pour s’échapper. C’est important pour nous de transcender cette réalité dure en musique ; c’est vraiment un moyen de transiter vers du positif, et quand on voit des gens danser sur nos morceaux pendant nos tournées, ça nous donne vraiment l’impression d’avoir twisté de la lourdeur avec de la légèreté.

  • Qu’apporte votre double nationalité, franco-britannique, à votre musique ? Au-delà des références culturelles liées à chaque pays, ressentez-vous l’un envers l’autre une manière d’appréhender la production musicale différemment ?

Avec les Français, en faisant de l’électro, on est tout de suite dans un certain niveau d’efficacité et de technique de production, ce qui a joué un grand rôle dans ce que nous faisons. Ça nous a permis de prendre un large paysage d’idées et d’inspirations et de les synthétiser en quelque chose qui nous est propre. En Angleterre, la musique et la culture en général changent très vite, et j’ai grandi en écoutant un catalogue très large de musique. J’ai travaillé dans un magasin de disque, et j’ai été submergé par toute cette abondance de genres. Je pense que la combinaison de ces influences multiples et de l’expertise de la production française est vraiment la clé de ce que nous faisons.

  • Vous parlez de votre projet comme « l’exigence de l’écriture pop, mais avec l’âme du gospel ! » : pouvez-vous nous expliquer cette double identité ?

Nous avons commencé ce projet en faisant du sampling, en prenant l’énergie brute de « vocaux » anciens et en les transformant en quelque chose de nouveau et de frais. Nous avons continué sur ce chemin et, même si nous utilisons moins le sampling dans nos nouveaux morceaux, cette méthode continue d’influencer notre manière de travailler. Nous trouvons facile de nous connecter émotionnellement à cette écriture de la soul classique, mais nous la transformons en quelque chose qui nous ressemble davantage.

  • Un refrain entêtant, une mélodie aérienne, une envie de danser, une histoire profonde : c’est ce qui caractérise un morceau réussi pour Postaal ?

C’est difficile à dire, mais oui, en quelque sorte. L’exercice est souvent la notion de drop que l’on retrouve dans nos influences issues de la musique électronique alliée à une structure pop. L’idée que l’on puisse danser sur des paroles qui ont du sens est un combo idéal pour nous. On passe autant de temps sur une ligne de basse que sur l’écriture d’un couplet !

  • Au-delà de votre musique particulièrement planante, vos clips peuvent paraître assez sombres… Est-ce votre conception de la vie ? De l’art ?

Oui, c’est exactement ça… On aime cette idée de contraste. Le visuel est souvent très ancré dans un quotidien, une histoire de vie. L’esthétique voulue reste proche d’une réalité. Lorsqu’on écoute un morceau, chacun a sa propre vision, son propre imaginaire : nous, on essaye juste de proposer cela avec les réalisateurs avec lesquels on travaille. C’est une affaire d’accident. La musique a souvent été une éclaircie dans nos vies respectives.

  • Que doit-on attendre de votre premier EP au titre énigmatique, « AA1 », qui sort le 3 juin chez Pop Records ?

Nous avons une nouvelle chanson sur laquelle nous avons fait collaborer un nouvel artiste : Jelani Blackman. Nous sommes impatients de la faire connaître ! Aussi, nos amis Clément Bazin et Catchment ont fait des remixes de nos morceaux. C’est vraiment excitant pour nous de pouvoir enfin les sortir !

  • Comment vous sentez-vous à l’approche de la release party ? Éprouvez-vous une grande peur, une grande hâte à l’idée de présenter en live certains de ces titres ? Y voyez-vous une chance ?

Nous adorons jouer en live, c’est le meilleur buzz que tu peux avoir en musique ! Quand tu as dépensé tellement de temps et d’énergie à enregistrer, c’est un sentiment génial de voir comment les gens répondent en live.

  • Votre release party se déroulera au Silencio de David Lynch : est-ce que l’atmosphère d’une salle peut changer votre façon de jouer, votre manière d’être sur scène ?

Pas vraiment, mais on aime l’atmosphère assez sombre de ce club. Le live est basé sur des projections vidéos accompagnées de nos structures de lumière. C’est idéal pour nous, la taille de la salle et sa vibe correspondent à ce qu’on fait.

  • Vous avez collaboré avec The Shoes sur le titre « Give It Away » : comment avez-vous mis cette expérience à profit ? Et pensez-vous réitérer la collaboration avec eux ?

Ce sont comme des frères pour nous, c’était un rêve devenu réalité de faire un morceau pour leur album. Nous nous connaissons depuis très longtemps, donc c’était assez facile à réaliser. Nous partageons aujourd’hui un studio à Pigalle et nous continuons à travailler ensemble, et je suis sûr qu’il en sortira encore quelque chose à un moment !

  • Si vous deviez nous présenter un groupe qui vous fait vibrer, à qui penseriez-vous ?

Difficile de répondre à cette question, mais un groupe qui nous tiens particulièrement à cœur, ce sont les Beatles. Leurs univers, leurs histoires, ce qu’ils évoquent. C’est vraiment un groupe qui nous rassemble. On a d’ailleurs joué à Liverpool il y a peu et on s’y croyait un peu.

  • Et pour une future collaboration, avec qui rêveriez-vous de travailler ?

On rêverait de travailler avec un grand monsieur de la soul. Quelqu’un comme Charles Bradley, par exemple. Le gospel et la soul font partie intégrante de nos influences et de notre musique. Les chanteurs et musiciens issus de cette scène sont de véritables références pour nous. On travaille souvent avec des chanteurs comme Pascal Toussaint ou encore Tola pour retrouver cette vibe. On aime profondément cette école.


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Juliette Durand

étudiante en cinéma, arpenteuse des scènes parisiennes et passionnée des musiques qui prennent aux tripes