Le génialissime auteur, compositeur, interprète, multi-instrumentiste et producteur John Frusciante s’enfonce un peu plus dans l’acid-house avec « Foregrow EP », une compilation de quatre titres produits entre 2008 et 2009 et récemment parue chez les Californiens du label Acid Test. À mille lieues du simple exercice de style, l’artiste nous laisse entrevoir l’avenir de sa musique, à grands coups de beats épileptiques et de nappes virevoltantes.
Avec toujours comme seul leitmotiv l’expérimentation sonore, l’ancien guitariste des Red Hot Chili Peppers continue sa formidable odyssée à travers le son. Depuis peu, son cœur bat la chamade pour les tenants de la drill’n’bass, Squarepusher et Aphex Twin. Après « Enclosure », son dernier album rock paru sous son vrai nom en 2014, John Frusciante s’est lancé dans l’acid-house sous le pseudo Trickfinger l’année suivante, via la parution d’un opus maîtrisé et délivrant une acid-house de qualité, sans pour autant innover d’un iota.
Rien d’étonnant, au final, puisqu’on apprend de sa bouche, que ces titres que nous écoutons là ne sont que des expérimentations effectuées lors de sa période d’apprentissage de la musique électronique. Sans vouloir sortir quoi que ce soit, l’artiste s’est mis à jouer avec une flopée d’instruments, boîtes à rythmes, synthétiseurs et séquenceurs en tous genres. Libéré de toute pression, il a pu se consacrer pleinement à la musique. Un style de vie qu’il prolonge avec cet EP, qui marque pleinement le décollage de sa pratique musicale vers l’électronique, alors qu’il a été composé il y a déjà plusieurs années.
Si Trickfinger nous ouvrait à sa nouvelle orientation avec panache, Frusciante nous livre là les premiers pas de son approche innovante du genre. Comme toujours, rien ne reste en place chez lui et les codes sont faits pour valdinguer. Même un style qui manque de fraîcheur, comme l’acid-house, est capable d’une refonte sous ses mains expertes ; et « Foregrow » le démontre avec brio. Nous reprenons la formule de son précédent album en poursuivant vers la drum’n’bass et la jungle. Les harmonies synthétiques se muent en quelque chose de plus organique, avec la voix de Frusciante qui accompagne les nappes inquiétantes du titre éponyme.
Puis, sur « Expre’act », l’acid-house commence à se déstructurer, s’acoquinant d’un minimalisme qui laisse judicieusement de l’exposition à ce léger riff de Fender des plus mélancoliques. « Lowth Forgue » dessine soudain les contours d’une mélodie drill’n’bass dans la plus pure veine de ce que produit l’Anglais Squarepusher. L’EP se termine sur les ondulations multiples de ces machines qui se juxtaposent avec précision dans « Unf « , pour nous emporter au sein d’un tourbillon robotique arborant de multiples évolutions. Mention spéciale pour cette conclusion des plus enivrantes, tant les vibrations de ces machines nous enveloppent dans une hypnose futuriste virtuose.
Après avoir revu et corrigé le jazz et le rock, John Frusciante s’intéresse aux musiques électroniques et semble aujourd’hui en pleine possession de ses moyens techniques et artistiques capables de nous proposer des réalisations surprenantes à l’encontre ce que nous avons l’habitude d’écouter. Qui plus est, l’artiste retourne à une conception très pure de la musique, véritable nourriture de l’âme qui refuse d’être uniquement marchande et dansante, pour frapper avec plus de force l’esprit de l’auditeur. Nous voilà emportés dans les montagnes russes émotionnelles de cet artiste avant-gardiste qui ne s’enlise jamais dans l’hermétisme. « Foregrow EP » est une démonstration de force, un mouvement incessant au sein d’une matière sonore en perpétuelle évolution, un geste résolument passionnant aux multiples points d’entrées, qui risque d’habiter nos consciences comme le début d’une nouvelle ère musicale au sein de sa discographie.
« Foregrow EP » de John Frusciante est disponible depuis le 29 avril 2016 chez Acid Test.
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