[Interview] Emilie & Ogden

À Montréal, la harpiste Emilie Kahn dévoilait en novembre dernier son premier album « 10 000 » aux compositions pop exquises et hybrides. Après avoir charmé la presse canadienne et américaine autant par sa voix douce et mystérieuse que par son jeu méticuleux et personnel, Emilie & Ogden s’apprête à conquérir le cœur des Français. Nous vous proposons de partir en éclaireur pour découvrir l’histoire de sa pop lyrique et cerner un peu mieux son formidable univers où l’art nouveau rencontre la pop la plus intimiste.

crédit : Melissa Gamache
crédit : Melissa Gamache
  • Parle-nous de « 10 000 ». De ce chiffre d’abord, mais également de cette intrigante pochette qui s’apparente à un test de Rorschach fleuri et psychédélique.

J’ai choisi de nommer l’album « 10 000 », pour la chanson portant le même nom qui fait référence à ce moment dans ma vie quand je doutais de pouvoir un jour sortir un album comme ça. La pochette a été créée par la photographe Yani Clarke qui a travaillé dessus en écoutant l’album avant de me rencontrer. En découvrant l’illustration, j’ai tout de suite su que c’était ma pochette. Ce que j’aime, c’est cette idée d’une image que tout le monde peut interpréter différemment ; il peut y avoir 10 000 manières de la voir.

Emilie and Ogden - 10000

  • « 10 000 » paraîtra en France fin avril, après une sortie au Canada et aux États-Unis en novembre dernier. Défendre à nouveau une sortie, cette fois-ci à l’étranger, comment l’envisages-tu ?

L’album est aussi sorti au Royaume-Uni à l’automne et c’est assez trippant de voir ma musique grandir de l’autre bord de l’océan. On a fait un spectacle à Paris avant notre passage en Angleterre et on a eu une réception très chaleureuse, alors j’ai assez hâte de pouvoir découvrir la France un peu plus suite à la sortie de l’album chez vous.

  • Ton disque présente un univers fascinant. Il peut évoquer à la fois la fantaisie et l’art nouveau (Blame), des aventures intenses (White Lies, Long Gone) ainsi que les rêveries et l’imaginaire (Babel, Dream). Comment décrirais-tu personnellement l’univers d’Emilie & Ogden ?

Je trouve cela dur de mettre des mots dessus, mais je dirais que dans ma musique je laisse sortir mon côté plus sombre et des fois vulnérable.

  • La harpe est un instrument très peu courant dans l’univers de la pop. Peux-tu me parler de ton parcours qui t’a amenée à en pratiquer et à élire cet instrument magnifique comme compagnon de scène ?

J’ai commencé à chanter quand j’étais adolescente et, à ce moment-là, j’ai découvert ma passion pour la performance live. Je savais que je voulais écrire et interpréter des chansons dans la vie, mais je ne maîtrisais pas encore un instrument pour pouvoir composer et m’accompagner. J’ai seulement découvert la harpe plus tard quand j’étais au Cégep (NDLR : Collège d’enseignement général et professionnel, entre le secondaire et l’université au Québec), dans un programme de musique, et j’ai eu un genre de coup de foudre en voyant l’instrument.

crédit : Yani Clarke
crédit : Yani Clarke
  • Combien de temps as-tu mis pour parfaire l’apprentissage de cet instrument singulier ? Et ressens-tu un accomplissement dans la maîtrise de la harpe ou ambitionnes-tu de progresser plus encore dans ton jeu ?

J’ai fait des cours privés classiques pendant trois ans environ. Ça va bientôt faire six ans que j’en joue, ce qui ne représente pas tant d’années de pratique finalement. Alors, je ne dirais pas encore que je maîtrise parfaitement l’instrument, mais pour mes chansons, quand je compose, je joue un peu à ma manière à moi et je me sens à l’aise… Mais je pense qu’on n’arrête jamais de grandir sur son instrument.

  • Ton dernier clip, l’éponyme « Ten Thousand », nous raconte l’histoire d’un jeune couple uni dont la femme se découvre atteinte de cécité à son réveil. Y sont abordés avec beaucoup d’intelligence le ressenti de l’aveugle et de son accompagnement. Es-tu intervenue dans l’écriture de ce scénario et en quoi l’histoire illustre-t-elle ton morceau ?

Le concept pour cette vidéo-là a été lancé par le réal, Pierre-Alexandre Girard. J’avais reçu plusieurs pitchs pour la chanson avant, mais celui-là est ressorti pour moi. Je suis un peu hypocondriaque dans la vie alors l’idée de raconter cette histoire me parlait et je trouvais qu’elle évoquait les émotions de la chanson : la peur, l’insécurité et la mélancolie.

  • Tous tes clips récents sont extrêmement soignés du très pictural « What Happened » avec ses mises en scène arty à l’atmosphère plus grave et trouble de « Go Home ». Tu fais appel à différents réalisateurs, y’a-t-il une intention de défendre à chaque fois une facette différente de ta personnalité ?

C’est également Pierre-Alexandre qui a fait « What Happened ». J’étais déjà fan de beaucoup de ses autres clips, alors j’avais confiance de laisser ça entre ses mains. Pour ce premier clip, je voulais simplement des images intéressantes de moi avec ma harpe pour que le monde découvre un peu qui je suis. Je pense qu’on cherche toujours à faire un clip qui représente la chanson, alors pour « Go Home », on a trouvé un narratif un peu plus sombre.

  • La harpe n’est pas le seul instrument présent sur l’album. Peux-tu me présenter tes musiciens qui t’accompagnent à la basse et à la batterie ?

Sur scène, je joue avec mon drummer, Francis Ledoux qui est dans le projet avec moi depuis le début, et notre nouveau membre, Dom Lalonde qui alterne entre la basse et la guitare acoustique. Francis joue aussi sur un drum pad qui nous permet de sortir les arrangements plus électroniques qu’on trouve sur l’album.

  • Tu as travaillé sur la composition de ton album avec Jesse Mac Cormack, brillant songwritter folk montréalais, qui fait à pas de loup parler de lui en France. Il t’accompagne d’ailleurs depuis ton premier EP fin 2013. Comment t’a-t-il guidée et soutenue dans l’avancement de « 10 000 » ?

Je pense que Jesse m’a beaucoup aidé à trouver mon son quand on a fait le premier EP ensemble. Je lui ai amené mes chansons et lui a créé les arrangements autour. Quand on a commencé à monter le spectacle live avec plus de chansons, Francis (notre drummer) a aussi beaucoup influencé le son avec son style assez singulier. Pour l’album, on avait déjà monté les arrangements tous trois ensemble avec Jesse qui assurait la réalisation. Sans son influence, je ne pense pas que la musique aurait eu sa touche électronique qu’on peut retrouver sur « 10 000 ».

Emilie et Jesse Mac Cormack - crédit : Le Petit Russe
Emilie & Ogden et Jesse Mac Cormack – crédit : Le Petit Russe
  • Une question pour finir, en référence à ton label, Secret City Records. Si tu devais me décrire une ville imaginaire idéale pour y vivre, à quoi ressemblerait-elle ?

Si je pouvais transplanter Montréal sur la côte californienne (là où j’ai la chance d’être présentement – NDLR : en tournée américaine avec Half Moon Run), ça serait parfait, car son seul défaut, c’est qu’il fait vraiment trop froid l’hiver.

« 10 000 » de Emilie & Ogden, sortie le 22 avril 2016 chez Secret City Records.
En concert le 23 février 2016 aux Trois Baudets (Paris).


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Fred Lombard

Fred Lombard

rédacteur en chef curieux et passionné par les musiques actuelles et éclectiques