[Live] Ought et Yung au Marché Gare de Lyon

Forts d’un excellent deuxième album, « Sun Coming Down », les Australo-Américains basés à Montréal de Ought, signés sur le label canadien Constellation Records (Godspeed You! Black Emperor), prenaient d’assaut la salle lyonnaise, le 24 novembre dernier, pour un concert aussi intense que court.

crédit : Marion Bornaz
crédit : Marion Bornaz

Il fait très froid ce soir-là à Lyon. Arrivé sur place en avance pour admirer le décrochage d’une exposition de photos de concert de David Doleac, je tente tant bien que mal de me réchauffer dans le couloir glacé du Marché Gare en attendant les débuts des hostilités. Quelques amis finissent par arriver, et les Danois de Yung prennent place sur la petite estrade vers 20h45. Avec ses membres visiblement aussi jeunes que leur nom de groupe semble l’indiquer, le quatuor scandinave frappe fort avec un set joué à toute berzingue et volume maximal, oscillant entre un grunge classique et énergique vers un post-punk musclé et rapide façon Cloud Nothings. Le rock n’est pas mort, et c’est ce genre de groupe qui est là pour le prouver : sans fioriture, directs et dynamiques, les Danois enchaînent des pistes simples et efficaces comme « God », ou des morceaux plus ambitieux comme le final « Blue ». Un peu sonné par le volume sonore écrasant, mais grisant à la fin d’un set de onze morceaux, on se prépare à écouter le très attendu concert de Ought.

crédit : Marion Bornaz
crédit : Marion Bornaz

La présence scénique de ces derniers est radicalement différente. À la candeur juvénile des Danois succède ainsi le charisme naturel et élégant de musiciens que l’on devine un peu plus matures. Le chanteur Tim Beeler Darcy en particulier, qui impose une stature à la fois élancée et gracile, à la manière d’un Ian Curtis en moins névrosé, ou d’un Pete Doherty en plus sobre. Le concert s’ouvre sur les excellents « Men For Miles » et « Sun’s Coming Down », extraits du dernier album. Le son est plus clair et moins fort que pour Yung, mais la voix de Darcy est pour le moment peu audible, ce qui est dommage. Néanmoins, les compositions ouvertement post-punk du groupe et leurs structures plus complexes et cérébrales font instantanément mouche sur le public qui commence à remuer.

Rapidement, le son s’affine, la voix se fait entendre et on peut observer à loisir les quatre musiciens prendre leur pied avec nous sur la petite scène du Marché Gare, pratique pour créer une sorte de complicité entre un groupe et son public. Le light show est forcément minimaliste et la scène sans décor, mais ce n’est pas vraiment le genre de la maison. On s’amusera donc des yeux fous et du sourire en coin de Darcy ,qui débite des textes raffinés et pourtant pas si drôles ; du batteur au jeu tout en finesse, qui semble lui aussi scruter la salle ; du bassiste en constante flexion sur ses genoux, le regard au sol caché par une mèche de cheveux rebelle ; et surtout du claviériste, visiblement en transe, qui martèle fiévreusement ses touches d’une main en pilote automatique, pendant qu’il secoue ses cheveux comme une marionnette sous Xanax. « The Weather Song », issu du premier album, interrompt le fil d’un concert jusque-là entièrement dédié au deuxième effort du projet, qui enchaîne avec « Beautiful Blue Sky », le chef-d’œuvre de ce nouvel opus et un classique instantané, où l’influence de Television, et en particulier de « Marquee Moon », est ostentatoire, mais bien digérée. Après ce grand moment d’intensité, le groupe expédie avec brio quelques chansons de son dernier disque, et place encore « Habit », du premier et, « Waiting », de leur EP « Once More With Feeling… ». Tout est parfait et remarquablement exécuté, mais le concert s’achève ainsi, assez brutalement et sans rappel, au bout de neuf morceaux.

crédit : Marion Bornaz
crédit : Marion Bornaz

Les lumières se rallument et nos impressions sont mitigées : certes, le concert était excellent et ce groupe dégage vraiment quelque chose de passionnant et d’unique. Mais pourquoi un set aussi court ? Ils ont joué aussi longtemps que Yung, avec moins de morceaux, et leur setlist accuse de gros oublis du premier album, pourtant vraiment très bon. Il se murmure qu’un des membres était un peu malade ; mais, dans tous les cas, le groupe ne semble jamais jouer plus de dix morceaux en concert. En revanche, on les retrouve au stand de merchandising, où les quatre musiciens et ceux de Yung discutent volontiers avec les spectateurs et signent leurs disques sur demande. Avares peut-être de performance, mais pas de partage avec leur public.


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Maxime Antoine

cinéphile lyonnais passionné de musique