[Live] Kurt Vile & The Violators et Lushes à l’Épicerie Moderne

Un petit mois après son passage au Pitchfork Music Festival Paris, Kurt Vile donnait un concert lyonnais de haut vol, malgré un public amorphe et une première partie de remplacement peu assortie à son folk-rock planant.

Kurt Vile

Difficile de reprendre la plume pour parler d’un concert comme si de rien n’était, après les événements du 13 novembre dernier. Difficile aussi de se rendre à un concert sans un pincement au cœur (au mieux) et une bonne dose d’appréhension. C’est peut-être cela qui a rendu le public du concert lyonnais de Kurt Vile aussi mou et peu réceptif à sa musique certes introspective, mais qui avait ses moments d’éclats et d’énergie. Ou bien, était-ce dû à l’annulation d’une première partie très attendue, Waxahatchee, pour cause de soucis de santé ? En tout cas, les camarades de maison de disque Lushes, duo new-yorkais jouant un alt-rock assez musclé et en contraste total avec la douceur et l’élégance de Kurt Vile, ont peiné à convaincre samedi soir. Trop de sons, de boucles pré-enregistrées qui nuisaient à l’intention du groupe de construire un mur sonore à la fois percutant et planant. De vrais musiciens en renfort auraient été un judicieux choix pour servir ce propos ; mais le batteur, virulent, s’est plutôt bien démené, tandis que son comparse guitariste et chanteur a eu quelques épiphanies. On retiendra de ce set excessif et inégal un morceau vraiment réussi, construit autour d’une boucle hypnotique et pertinente et d’un crescendo assez ravageur.

Mais Kurt Vile, donc. Le guitariste surdoué aux longs cheveux désordonnés était là, plus laidback que jamais, ou « lackadaisical », pour paraphraser le texte de sa chanson « Wakin’ on a Pretty Day » (mot étrange signifiant que l’on est particulièrement indolent). Sans fioritures, le concert démarre après quelques mots échangés avec le public, sur les cinq premières chansons de son dernier album, « b’lieve i’m going down », sorti plus tôt cette année. Tellement étrange que l’on se demande alors si tout l’album ne va pas être joué d’un trait puisque, sur le reste de la tournée, Vile a joué des setlists plus mixtes que celle qu’il nous présente ici. Mais soit, démarrer sur l’excellente et dynamique « Pretty Pimpin’ » est un choix judicieux, et le banjo de « I’m an Outlaw » est absolument imparable. Le risque de suivre le cours de l’album, c’est d’en épouser les respirations, ce qui se passe un peu sur les deux suivantes, même si le délicat et ironique « That’s Life, tho (almost hate to say) » est une grande chanson pour quiconque prend la peine d’en écouter les paroles en se laissant porter par les intermèdes de guitare nonchalants, signature de Kurt Vile.

La suite du concert prend une tournure des plus intéressantes, puisque le guitariste opte pour « Dead Alive », tiré de son premier véritable album studio, « Childish Prodigy », et qui constitue avec « Stand Inside », extrait lui du dernier, un intermède folk acoustique où Vile se retrouve seul sur scène, volontairement privé de ses Violators. L’instant est superbe ; mais le public, décidément difficile à faire entrer dans le jeu, baille autour de moi, à l’exception de quelques aficionados bienvenus. Les Violators reviennent ensuite : l’occasion pour moi de remarquer leur impressionnante versatilité instrumentale, puisqu’à l’exception du batteur, qui n’a que quelques jouets à sa disposition pour le détourner de son kit de batterie, les deux musiciens en renfort aux côtés de Kurt Vile changent de rôle à chaque morceau, tour à tour guitaristes, bassistes ou claviéristes, avec une déconcertante facilité. Vile lui-même change systématiquement de guitare ou d’instrument entre les titres, faisant preuve de son habileté exemplaire de musicien, au toucher si particulier, à l’aise aussi bien dans le finger-picking acoustique que dans les grandes envolées électriques rock perdues au milieu de sa crinière impassible. C’est le moment qu’il choisit d’ailleurs pour jouer le reste de son répertoire, avec deux titres attendus de l’excellent « Wakin’ on a Pretty Daze », dont bien sûr le monumental « Wakin ‘ on a Pretty Day », qui prend toute son ampleur en live. Seule « Jesus Fever » sera joué pour représenter « Smoke Ring for my Halo », tandis que le concert s’achève avant un rappel sur la furieusement électrique « Freak Train », qui ne déchaîne pas le public comme à Paris avec, pourtant, ses saillies de saxophone, sa batterie up-tempo métronomique et son light show épileptique. C’est bien dommage, car c’est un grand moment du concert.

Le rappel se fera sur « Hunchback », également tiré du premier album, et sur « Baby’s Arms » du second, finalement un peu plus joué que prévu. Avec un set de près d’une heure quarante et une qualité d’exécution au rendez-vous, Kurt Vile est pratiquement irréprochable pour sa venue à Lyon, dont il complimente la « jolie petite salle » de l’Épicerie Moderne. Cependant, si j’ai passé un excellent moment, il a été quelque peu gâché par le manque d’enthousiasme d’un public parmi les plus mous que j’aie vus depuis longtemps. Le plus important reste qu’à la sortie de la salle, tout le monde était pourtant unanime : c’était excellent. Si vous pouviez juste le manifester un peu plus pendant le concert la prochaine fois, ce serait parfait.


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Maxime Antoine

cinéphile lyonnais passionné de musique