[Live] Hugh Coltman au THV

Une soirée sold-out fait toujours plaisir. Autant pour l’artiste (c’est seulement sa quatrième date avec ce spectacle) et pour le public que pour l’organisateur. En l’occurrence, ici, la formidable Brigitte Livenais, directrice et nez creux du THV, haut lieu artistique et inspiré aux abords d’Angers. Il est important de préciser que cet hommage à Nat King Cole par Hugh Coltman au Théâtre de l’Hôtel de Ville de Saint Barthélémy d’Anjou avait été booké alors que le spectacle n’était qu’un projet en construction. Un pari osé mais pesé, tant on connaît et reconnaît le talent d’Hugh Coltman, chanteur, performeur, rockeur, séducteur (et parfois même humoriste, lorsqu’on aime à écouter ses anecdotes et blagues très british avec cet accent et cette touchante confusion des mots).

Hugh Coltman © Fred Lombard
Hugh Coltman © Fred Lombard

Et comment mettre en doute toute la passion et l’investissement de Hugh Coltman pour ce tribute à l’immense Nat King Cole, jazzman éternel au sourire d’ange vain ? Car, il en aura fallu du courage et de la détermination à ce dernier pour chanter, bercer, ensorceler autant d’amoureux et de novices en jazz, qualifié à l’époque de musique de sauvages. Malgré les obstacles et encouragé par de nombreux fidèles, Cole se sera hissé sur la plus haute marche du podium, toisant avec satisfaction mais sans animosité tous ceux prêts à le déstabiliser, voire le renverser. Cole aura réussi l’exploit, outre d’entrer dans la légende de la musique, de faire pénétrer la sienne dans les salons de noirs, de blancs, de riches, de pauvres, de mélomanes, de profanes. On lui aura parfois reproché sa passivité dans la lutte anti-Apartheid ; il aura finalement adopté avec prudence mais réussite la stratégie du cheval de Troie. Un deux trois, un deux Troie, un deux trois quatre auront donc été ses mesures prises pour rassembler, sous ses musiques désormais incontournables, tous les amoureux de la vie et du bonheur.

La maman de Coltman avait sans doute compris cela, elle qui écoutait en boucle l’Américain. Tandis que son Anglais de rejeton, à quatre pattes, tapait déjà des deux mains, au tempo et au swing du roi Cole qui était son roi Lion à lui.
Partie trop tôt sans laisser d’adresse, cette mère aura toutefois laissée à Hugh celle de la musicalité. Musicien, chanteur et compositeur, Coltman est habité et habitué, depuis le plus jeune âge, à chanter et enchanter autour de lui. De façon plus ou moins brutale, avec sa pop folk rock ; de façon plus ou moins spectrale avec ses compos solo ; de façon plus ou moins subliminale avec ses reprises de Cole (avec, dans ses yeux, ceux de sa maman).

« Shadows, songs of Nat King Cole » est le concert de l’album tribute, que l’on regarde des tribunes de la salle avec cette envie et cette frénésie de venir au tout devant de la scène (quand ce n’est pas dessus), pour entourer et protéger le dandy Coltman, qui porte à bout de voix les mélodies les plus belles ou les plus significatives de Nat King Cole.
Hugh n’est pas là pour faire des reprises pour faire des reprises, mais pour donner sa version des faits, la version des fées qui se sont penchées sur son berceau. Inspirées et expirées avec grâce, douceur, mélancolie, joie et jouissances, ces deux heures de covers, qui auront semblé durer cinq minutes, auront emporté et transporté un public connaisseur mais aussi découvreur dans ces années de grâce, presque d’insouciance.
Toujours léger, toujours, blessé, Coltman se place sous le spectre de la lumière pour mieux mettre en valeur celle qui éclaire les textes et les notes de Cole.
Véritable défendeur et pourfendeur du répertoire du black man, injustement blacklisté à son époque, Coltman enchaîne sa sélection avec logique, en totale subjectivité. Sans chronologie ou fil conducteur particuliers, mais selon sa propre inspiration qui, il n’aura aucune timidité à nous le dévoiler, ne perdra pas de vue ni de vie sa lueur maternelle.

Hugh enchante donc ce tour de chant avec un « Are You Disenchanted? » qui pose la note que l’on devine d’avance halée. Une note teintée d’espoirs, de retenues, de convictions au service de sa majesté Cole. Hugh ne simule pas sur « Pretend » : il incarne. Hugh, un foulard soyeux autour du cou, n’écharpe pas « Smile ». Il fait revivre le titre et le remet dans les lumières de la vie. Hugh cravache un « You, Rascal You » ou un « Sweet Love Rain » avec un swing déchaîné.
Une harmonie soutenue par son harmonica exulte de temps en temps de la poche de son velours doux comme sa voix. Hugh est naturel et sans artifice, bien qu’il en allume les feux.
Il revisite « Nature Boy » avec nonchalance, comme pour mieux nous faire prendre le temps de savourer la chanson. Une chanson qui nous ressemble et qui nous assemble sous les tensions de la guitare électrique qui, souvent, s’évade en nous prenant par la main et par le cœur.
La scène et sienne, et Coltman sait s’effacer pour mieux être présent.
Il laisse souvent, et avec une générosité légitime, l’expression à ses formidables musiciens qui, tous ensemble, pourraient former le nouveau Rat Pack.

Composé du stoïque mais dynamique Christophe Minck à la contrebasse, du bipolaire (au bon sens du terme) Raphaël Chassin à la batterie, du virtuose perché Thomas Naïm à la guitare et de Paul Lay, magique pianiste aux doigts d’or.
Emmenés par le swing d’Hugh qui sonne et nous sonne souvent d’un uppercut avec son uper ut maîtrisé et insoupçonné.
Lorsque les claquements de doigts du public ne viennent pas déchirer l’écoute presque religieuse de la salle entière, ce sont ses apnées silencieuses qui tranchent et se recueillent devant la beauté éprouvante et émouvante d’un piano-voix sur « Morning Star », comète cosmique et pas junior de la soirée.
Les petites villes font les grands sourires. St Barthélémy d’Anjou ne déroge pas à la règle en écoutant « Small Towns are Smile Towns » et en tapant dans ses mains, de façon presque hagarde, sous l’emprise du crooner pas crâneur.
Deux rappels et puis s’en vont. On restera sur un « Such a Night », qui met tout le monde d’accord et d’accords.
Such a Night King Cole, pourrait-on même dire.
Such a King Coltman, devrait-on même dire.

Le THV nous aura offert un moment de Très Haute Volée avec un Hugh Coltman que l’on aura hâte de retrouver sur scène et sur sa platine pour accueillir son disque « Shadows, songs of Nat King Cole », qu’on lui espère très vite en Or.

Hugh Coltman est actuellement en tournée dans toute la France avec « Shadows, songs of Nat King Cole ». Réservations dans les points de vente habituels.

« Shadows, songs of Nat King Cole » de Hugh Coltman est disponible depuis le 28 août 2015 chez OKeh Records / Sony Classical.


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Nicolas Nithart

grand voyageur au cœur de la musique depuis plus de 20 ans