[Live] Pitchfork Music Festival Paris 2015, jour 2

Depuis hier, le Pitchfork Music Festival Paris a apparemment viré son ingé son et l’a remplacé par quelqu’un de compétent. Heureusement, parce que chacun des artistes présents ce soir-là a son propre univers, son propre son. C’est parti pour une soirée de grands écarts entre les deux scènes de la Grande halle de la Villette.

Pitchfork Music Festival Paris 2015

Textes par Cyril L’Allinec et photos par David Tabary

On arrive pour Rome Fortune. Véritable Hype Man du festival qui passera la moitié du show à faire interagir le public, l’autre moitié à réciter par-dessus son propre play-back. Ça bouge, ça court, ça sourit et c’est vite efficace. Le natif de Minneapolis, avec quelques singles sous le bras, conquiert rapidement le public du Pitchfork, encore un peu timide. Un set court, mais efficace, qui laisse vite la place à Health.

Rome Fortune

C’est au tour de Health. Oui, Health joue à 18h40 ! C’est à n’y rien comprendre. Si vous avez une explication, merci d’envoyer un mail à la rédaction ; on est vraiment intéressé. Health n’est pas passé en France depuis janvier dernier et ses premières parties d’Interpol. Avec un nouvel album à défendre (le très intense Death Magic) le quatuor de L.A. souhaite montrer que son cocktail d’électro-noise et rock sous stéroïdes est toujours pertinent. Le groupe ouvre avec « Die Slow », et très vite, c’est le côté ultra percussif, ultra agressif de sa musique qui est mis en avant. Jouant toutes cordes (vocales ou de guitares) dehors, c’est une sauvagerie (un peu chorégraphiée) qui se joue devant nous. Une fois qu’il est certain d’avoir toute notre attention, on peut passer à des choses plus sérieuses. Le groupe va ainsi alterner les moments plus noise et ceux plus classiques. Ne relâchant la tension à aucun moment et bénéficiant d’un son parfait, Health est fidèle à son credo : jouer fort pour te rendre plus fort, jouer fort pour te faire suer, faire mal aux oreilles pour te faire du bien. Le concert atteint son apogée avec « Stonefist ». Un titre qui évoque Depeche Mode avec des gros muscles. Les applaudissements pour les Californiens se finissent à peine que déjà les premières notes du concert de leurs concitoyens, Rhye, résonnent à l’autre bout de la pièce.

Health

Une autre transition difficile à assumer, mais le seul fil directeur de la soirée est la qualité, pas le genre.
C’est un vrai bonheur de voir débarquer Rhye sur scène. Le chanteur Mike Milosh expliquait récemment dans la presse qu’il tenait un rythme de tournée désormais moins soutenu. Ça se ressent sur scène. Détendu et libre, malgré les contraintes de temps du festival, le duo dano-canadien se donne entièrement à la foule réunie à la Grande halle de la Villette.
Ouvrant avec « 3 Days » puis enchaînant avec « The Fall » (qui provoque les cris du public dès les premières notes), Rhye vient panser toutes les peines de cœur de la soirée. Véritable star, Mike Milosh nous raconte tout de sa voix feutrée et androgyne. Si le son est moins défini, moins produit que sur disque, on gagne quelques nouvelles nuances de beauté. Et le concert se passe sans accroc : un set tout simple et beau et que l’on a du mal à quitter, même après les dernières notes.

Rhye

L’ancien de The War On Drugs a désormais une carrière solo quasi intouchable. Peu pressé de défendre son dernier album, Kurt Vile ouvre les festivités avec « Jesus Fever », tiré de « Smoke Ring for My Halo ». C’est le départ de près de 50 minutes de rock mâtiné de ce twang un peu country, toujours noyé dans un cocktail de disto et de reverb. Une formule que Kurt Vile transcende par la seule force de son songwriting. Ça ne marche pas à tous les coups (avec Dust Bunnies), mais quand ça marche (Pretty Pimpin), c’est superbe.
Encore une fois, l’amélioration du son par rapport à hier fait plaisir à entendre. On quitte le groupe un peu tôt pour partir rejoindre l’autre scène. Pourquoi ? Parce que Battles va bientôt arriver.

Kurt Vile & The Violators

Pile à l’heure, Battles commence avec « Ice Cream », tiré de son second album. Après avoir remercié le public pour sa présence, Dave Konopka prévient qu’ils vont désormais se concentrer sur leur concert. Battles a en effet une sacrée revanche à prendre sur son dernier passage à la Villette : problème de son, manque d’alchimie flagrante… Le trio remet ce soir les pendules à l’heure et prouve qu’il est l’un des meilleurs groupes live de son époque. Le trio math rock new-yorkais fonce dans un set qui donne la part belle au dernier album, « La Di Da Di ». On peut danser, on peut rester scotché sur le jeu de batterie de John Stanier, ou simplement s’amuser à regarder Ian Williams se tordre et bouger entre ses claviers. Battles marque tous les bons points et corrige l’affront de l’été dernier. Les deux pouces en l’air.

Battles

C’est avec les jambes qui tressautent encore que l’on se dirige vers l’autre scène pour la suite des réjouissances. Face à l’annulation de la tournée de Björk l’été dernier, le Pitchfork Music Festival Paris a eu quelques mois pour trouver un remplaçant. Il est temps de voir si Thom Yorke et ses Tomorrow’s Modern Boxes tiennent la route. Seul show à profiter d’une mise en scène un brin plus poussée, le spectacle démarre avec « The Clock », tiré de « The Eraser ». Thom Yorke donne vraiment de sa personne. Plusieurs écrans, des stands pour les laptops. Bien que clivant, il faut reconnaître que Thom donne clairement de sa personne. Il danse, s’approche du public, parcourt la scène.
Malgré tout, la musique du leader de Radiohead reste la même : froide, triste, parfois un peu hermétique. Thom Yorke reste Thom Yorke. Ça ne sert plus à rien de discuter, tant sa musique est indissociable du personnage qui, depuis maintenant vingt ans, règne sur un royaume qu’il s’est lui-même construit.

Thom Yorke

À l’opposé de la grande Halle, Four Tet se prépare à clore la soirée, avec un set plus beau, plus organique et à l’énergie contagieuse. Un DJ set durant lequel Four Tet réinterprète notamment quelques perles, dont le fameux « Seesaw » de Jamie XX en ouverture…  Coup de départ d’un show plus beau, plus ouvert et mélodique, qui invite les festivaliers à se lâcher enfin. On reconnaît ensuite les titres « Trust » de Clarens ou encore « Dem Thing » de Randomer. Four Tet cherche à plaire, et ça marche. Maintenant qu’on sait que les festivaliers sont entre de bonnes mains, on peut s’en aller le cœur léger. À demain tout le monde.

Four Tet


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Cyril L'Allinec

chroniqueur globe-trotteur entre Montréal et Paris