[Live] Pierce Brothers à l’Olympia

Le monde de la musique peut être un chacal, un cannibale. Une histoire de crocs et de sang. Une histoire de poursuite et de chute. Un milieu hostile qui use, qui abîme, qui fatigue. Il y a les passages obligés quand il faut se montrer. Il y a tant de choses qui ont perdu leurs instincts naturels. On peut alors se sentir invisible ou se trouver dépouillé. Mais, parfois, souffle un vent porteur de bienveillance. Aujourd’hui, il nous vient d’Australie et y a parcouru le bitume pour se donner sur les scènes mondiales.

Pierce Brothers © Solène Patron

Les pieds ont martelé les sols. Les mains ont claqué dans l’air. Les lèvres ont laissé filer de mélodieux sifflements. La musique a pris les rues des villes australiennes. Les Pierce Brothers y ont fait grandir leur musique, puis ont pris leur envol pour une tournée aux quatre coins du monde. À l’image des oiseaux quittant leur nid, il y a dans leur art cette envie de croquer les horizons.
De leurs débuts dans l’effervescence urbaine, les deux frères gardent une musique instinctive. Une de celles qui répandent les sourires et la joie. La quête est celle de l’âme. Il n’est alors plus question de défis et d’ascensions. La musique a le goût de la Nature. Vivante et dans son droit.

L’Olympia est un temple illuminé de rouge. Sa façade est lumineuse, de la même façon que ses couloirs sont tapissés de velours. Il y a dans ce lieu cette solennelle fête de la musique. Une quête prestigieuse qu’entreprennent de nombreux artistes, pour lesquels le nom en ampoules rouges devient un Graal. Pourtant, ce soir-là, il semblait que les Pierce Brothers n’avaient pas la conscience des murs et de ses vieux fantômes. La fratrie avait la joie de sa première visite parisienne. La joie de rencontrer un nouveau public et de lui faire parvenir, en langue française, tout son bonheur. Les Pierce Brothers sont donc de ces personnes qui s’emplissent de l’humain et ne s’arrêtent pas aux mythes et aux « on-dit ». Ils sont riches de l’expérience, des vents et des horizons. Leur concert fut alors d’une dépoussiérante insouciance face à cette monumentale salle, haute de tout son héritage.

« Into the Dirt » est sorti durant le mois de septembre et a peuplé l’ensemble du concert. Un EP brillant qui avait pourtant perdu un brin de la liberté qu’offre la rue, ses échos et sa survie. C’est sûrement sur scène que la magie des Pierce Brothers évolue le mieux ; leur sincérité gagnant en grandeur lors de la rencontre avec le public. Alors, dans un Olympia venu pour Cat Empire, une certaine fougue s’est répandue parmi la foule. La communion a eu lieu entre une Paris aux portes de l’hiver et l’Australie généreuse des deux frères.

Le Didgeridoo résonne, et comme l’harmonica, est imprévisible. La percussion prend vie sur les sols, sur le bois de la guitare et dans leurs corps. Jack et Patrick ont tant à donner qu’une nuit ne semblerait pas suffire. Leurs êtres regorgent d’un bouillonnement qui se donnera dans la sincérité et la simplicité. Alors, c’est sûrement leurs chœurs qui en deviennent les plus beaux témoins. Quand deux voix, quand une foule, en viennent à communier, il y a cette force qui émane. Parmi ces douces fureurs, sûrement qu’« Overdose » reste l’un des titres marquants. Frappant d’immensité, de hauteur et pourtant de réconfort. Dans la voix qui se déchire, les Pierce Brothers donnent à voir la sagesse et les lendemains. Plus tard, « Flying Home » offrira le même souffle, tout aussi voyageur, rêveur et libre.

Les Pierce Brothers ont la couleur des couchers de soleil sur l’océan. Cette douce chaleur qui caresse les peaux et les souvenirs. Ils ont l’odeur des forêts de pins et ils ont l’effervescence du feu sur la plage. Il y a, avec leur musique, cette volonté de donner le plaisir. D’être cette brise rassurante et revigorante. Il y a, chez les Pierce Brothers, l’idée de fêter la vie. L’idée de la cohésion et de l’humain. L’idée que la musique n’est pas juste artistique, mais bien organique.
Peut-être que techniquement, les Pierce Brothers n’apportent rien de nouveau. Sûrement. Mais est-ce que la submersion vient du calcul ? Non, certainement pas. La richesse de leur musique est dans l’impulsion, dans la sincérité, dans la sueur, dans les cordes qui cassent, dans les yeux brillants. Mais au-delà, leur musique est grande de sons et de saveurs. Elle naît dans les traditions, dans les mélodies sifflées et dans les envies.

La musique des Pierce Brothers n’a pas la fragilité du folk. Il est plutôt question de fougue et de sérénité. De chaleurs et de douceurs. Une bienveillance artistique qui fait s’effacer le piédestal qu’est la scène. Les Pierce Brothers sont de ces belles personnes, qui n’ont pas oublié dans quelle terre se sont enfoncées leurs racines et vers quels horizons volent leurs branches. Oui, ils sont à l’image des arbres : des êtres sages, des troncs massifs qui pourtant dansent avec le vent.


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Juliette Durand

étudiante en cinéma, arpenteuse des scènes parisiennes et passionnée des musiques qui prennent aux tripes