[Interview] Amadou & Mariam en tête-à-tête

Infatigables globe-trotteurs depuis la reconnaissance de leur célèbre duo, dans le monde entier, au début des années 2000, Amadou Bagayoko et Mariam Doumbia passent de moins en moins de temps à Bamako, leur ville d’origine.
Car le monde entier est tout simplement devenu le grand théâtre de leurs concerts teintés de musiques maliennes et rythmés de leurs messages de paix et de fraternité.
Souvent inspirées par leurs propres difficultés, leurs chansons toujours positives et optimistes ont trouvé écho un peu partout et auprès d’un large public qui leur réserve toujours un accueil chaleureux et empathique. Les plus grands artistes, les politiques les sollicitent régulièrement, tels des messies porteurs d’espoir, de tolérance et surtout d’inspiration.
Amadou et Mariam pourraient presque être une religion au vu de la fidélité et de l’engouement de son public que le couple affectionne de croiser quotidiennement sur sa route. Et c’est à l’Abbaye aux Dames à Saintes, lieu historique et symbolique devenu aujourd’hui cité musicale, qu’indiemusic a été reçu par un couple au diapason à la ville comme sur scène.

Amadou et Mariam

  • Bonjour Amadou et Mariam et merci de nous recevoir avant votre passage au Coconut Festival. Autour de vous gravitent des artistes aussi prestigieux que Bono, Scissor Sisters, Damon Albarn, M, Bertrand Cantat, Stevie Wonder, etc. Qu’est-ce qui fait selon vous que vous vous retrouviez quelque part à la croisée de ces musiques assez différentes les unes des autres ?

Amadou : Depuis tout jeune, on aime divers genres de musique. On écoutait le blues américain…

Mariam : La variété…

Amadou : La pop, la soul de James Brown autant que la musique de Pink Floyd, le rock, etc. Nous avons donc des liens avec tous ces styles qui se sont aussi beaucoup intéressés à nous et nous ont sollicités pour faire, soit des premières parties, soit des collaborations.

Mariam : Rock, blues, variété… ce sont vraiment ces musiques-là qui nous intéressent.

  • Comment vous arrivaient d’ailleurs ces musiques-là au Mali ? Via des K7 audio, des vinyles, par la radio ?

Amadou : En fait, un peu grâce à tous les supports. On avait par exemple des stewards qui nous amenaient des disques, des ressortissants maliens aux US ou en France qui nous envoyaient des choses ou la radio qui programmait des émissions rock. On jouait aussi des K7 du matin jusqu’au soir qu’on se prêtait entre amis.

  • Justement Amadou, est-ce comme cela que vous avez dragué Mariam en lui parlant de toutes ces musiques que vous aviez la chance d’écouter ? (Mariam pouffe de rire)

Amadou : Quand on s’est connu, j’étais dans un orchestre et certains de mes morceaux passaient déjà à la radio. Je me suis présenté comme guitariste-chanteur et comme elle aimait déjà beaucoup la musique, on a rapidement parlé de nos goûts respectifs

Mariam : Il m’a rencontré à l’institut des jeunes aveugles où j’apprenais à chanter et à danser. J’entendais ses morceaux sur les ondes, mais on ne se connaissait pas. On a commencé à faire des compositions ensemble, puis on a joué dans des concerts. On a dû lutter, car il y avait des pour et des contre. Mais les gens continuaient de nous aimer. On a fini par se marier en 1980.

Amadou et Mariam

  • Fantani Touré nous a malheureusement quittés l’année dernière. Vous la connaissiez bien. Ses chansons étaient très politiques, militant notamment pour le droit des femmes. Quels étaient vos rapports avec elle et dans quelle mesure laissez-vous, vous aussi, entrer la politique dans vos chansons pour des choses qui vous tiennent à cœur ?

Mariam (très émue) : Fantani était mon amie… on s’appelait tout le temps. On était dans la même association. C’était une femme courageuse, une femme battante. Quand on a eu une notre 2e Victoire de la Musique en 2013, on l’avait d’ailleurs appelée pour chanter avec nous sur scène. C’est quelqu’un que j’ai profondément aimé. Elle a beaucoup lutté pour que les femmes puissent aller vraiment de l’avant. Je la félicite… Paix à son âme…
Quant à nos chansons, ce sont avant tout des messages de paix, d’entente, de justice…

  • Vous avez fait il y a 3-4 ans un spectacle très original intitulé « Éclipse » qui avait la particularité d’être joué dans le noir complet. indiemusic avait eu la chance de le voir dans le magnifique cadre de l’Abbaye de Fontevraud. Est-ce qu’au final, les personnes qui avaient un handicap n’étaient finalement pas celles du public ? Puisque contrairement à vous qui avez une écoute, une ouïe, un odorat exacerbés, qui percevez différemment les ambiances et les vibrations, nous étions plutôt « désarmés » dans la salle ? Vous avez quelque part inversé les « rôles » !

Amadou : On a effectivement inversé les rôles en essayant tout de même d’asseoir tout le monde sur un même pied d’égalité. Il y avait toujours des gens pour nous demander comment en tant qu’aveugles nous apprécions la musique. En faisant cette série de concerts, cela a permis aux gens de comprendre qu’au-delà de la vision ; on peut imaginer, se projeter, appréhender l’espace à partir de ce que l’on entend et ainsi se faire une réelle idée de ce que nous vivons et peut-être de vivre cette musique différemment que lorsqu’on est voyant. On a fait une dizaine de dates dont Manchester, Londres, Paris, au Portugal et puis donc à Fontevraud.

  • Actuellement en tournée, êtes-vous en phase d’écriture, de recherches de son. Que nous préparez-vous pour la suite ?

Mariam : On a fini la maquette du prochain album. On attend pour rentrer en studio pour une sortie d’album quelque part en 2016. Inch Allah !

Retrouvez Amadou et Mariam en concert dans le cadre des Journées Maliennes, le samedi 10 octobre à 21h00 au Théâtre du Quai à Angers.

Les Journées Maliennes


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Nicolas Nithart

grand voyageur au cœur de la musique depuis plus de 20 ans