[LP] Nathaniel Rateliff & The Night Sweats – S/T

Ça swingue sur scène et ça pleure dans les chaumières ! Entre reproches et défis, amour et pardon, Nathaniel Rateliff & The Night Sweats livrent un soul rock déchirant et percutant.

Nathaniel Rateliff and The Night Sweats

Nous avons connu Nathaniel avec son irrésistible charme. C’est le cœur fondu qu’on terminait « In Memory of Loss » : un enchaînement de délicatesses folk qui voguaient dans les mémoires d’une vie déjà bien entamée. Toutes confondues, les quatorze pistes suivaient un schéma de douces ballades acoustiques, simples dans leur construction mais complexes dans le sentiment qu’elles laissaient – mention spéciale à la magnifique « Oil & Lavender ». Puis, rebelote : l’Américain montrait à nouveau ses entrailles avec « Falling Faster Than You Can Run », suite évidente de son premier opus, plus appuyée cette fois et d’autant plus déchirante. Nous l’attendions donc au tournant. Et une surprise (sans l’être) : le barbu nous revient avec un troisième album éponyme, plein de groove, de blues, d’émotions intenses et primales.

« Ces chansons parlent des difficultés que j’ai rencontrées dans ma vie – l’alcool, ce genre de bêtises. Et aussi des rapports entre les gens. Dans ma vie privée, je ne suis pas très fort au niveau de la communication. C’est donc plutôt drôle, de me retrouver à écrire des chansons qui parlent de choses dont je ne sais pas trop parler. » Un grand homme au cœur plein, certes. Âgé de 36 ans, Nathaniel a pas mal roulé sa bosse avant d’arriver à cette effervescence. Il quitte l’école en cinquième, suite à la mort de son père ; puis, peu de temps après, sa maison familiale du Missouri, où il était sûrement voué à travailler dans une usine de plastiques des environs. Il trouve un poste de gardien dans un lycée avant de suivre des missionnaires mormons à Denver pour échapper à « cette vie du Midwest où les gens travaillent et grandissent trop vite. » Trop à l’étroit dans cette religion qu’il ne reconnaît plus, il réalise « qu’il y a tant d’autres livres à côté de celui-là. » Rateliff travaille ensuite sur le quai de chargement d’un transporteur routier et se fait en même temps connaître sur la scène folk de la ville, alors en plein essor. Il part en tournée avec le groupe qui a précédé The Night Sweats et réalise subitement que tout cela en valait la chandelle.

On trouvera cet album moins envoûtant et introverti que les précédents. « Nathaniel Rateliff & The Night Sweats » marque un tournant dans sa carrière. C’est un élan compulsif, dévastateur ; comme si sa vraie nature reprenait le dessus, non pas dans les mots, mais dans la musicalité des titres. Au-delà de l’hommage que rendent les musiciens au légendaire label de Memphis, Stax, l’ensemble de l’album chuchote à l’oreille d’Otis Redding ; et bien plus encore, puisqu’il consolide le genre en vogue du soul rock, déjà bien taillé par le dernier Ray LaMontagne et Houndmouth. « I Need Never Get Old » et « Howling At Nothing » ouvrent l’album de manière viscérale, « S.O.B » surprend avec sa teinte gospel à la Johnny Cash et « Shake » perce l’humidité de la Nouvelle-Orléans. L’apport de The Night Sweats (le guitariste Joseph Pope III, le batteur Patrick Meese et le claviériste Mark Shusterman) reste évidemment le point de chute de cette mutation que le petit Nathaniel n’aurait jamais envisagée au fin fond d’une usine à plastoc.

crédit : Malia James
crédit : Malia James

« Écrire chez moi est l’une des choses que je préfère. Pendant plusieurs années, j’ai vraiment eu du mal avec les tournées – le fait de me retrouver seul, tout en étant marié, et d’avoir vécu cet échec relationnel, car beaucoup de mes chansons en parlent. Parfois, c’est pénible d’interpréter ces chansons qui font revivre certaines situations. » L’écriture est là, intacte, parsemée de vapeurs d’alcool et d’amour, de remords et de défis personnels qui en deviennent à coup sûr universels.

L’album éponyme de Nathaniel Rateliff & The Night Sweats est disponible depuis le 21 août 2015 chez Bottleneck Music.


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Julien Catala

chroniqueur mélomane, amoureux des échanges créés autour de la musique indépendante