[Live] Rock en Seine 2015, jour 1

Le directeur de Rock en Seine l’avait annoncé plus tôt cette année dans la presse : pas de sortie de disque majeure depuis les Arctic Monkeys l’année dernière, donc une programmation qui se fera au coup de cœur plutôt qu’à l’actu. À l’arrivée, il est vrai que le festival parisien ne compte étonnamment cette année aucune grosse tête d’affiche majeure, mais peut se targuer de nous offrir une foule de bons petits groupes à se mettre sous la dent. C’est donc toujours un plaisir de se balader sur ce site immense, entre toutes ses activités (rodéo, Guitar Hero, barber shop) et surtout ses cinq scènes. À l’arrivée, il se passe toujours quelque chose.

Wand par Fred Lombard

Article écrit par Sébastien Weber, Fred Lombard et Noé Vaccari. Photographies par Fred Lombard.

Pour le premier concert de l’édition 2015, notre choix se porte sur VKNG.
Distillant un rock électronique lumineux, le projet parisien nous happe par sa sincérité et sa spontanéité. On parlera même d’osmose. L’énergie est positive, les morceaux sont dansants, amenés avec excitation et une chaleur de diable. Le doux colosse barbu, Thomas de Pourquery, transpire à grosses gouttes une prestation déchaînée et passionnée, qui réveille immédiatement le public parisien et le met dans les meilleures conditions pour attaquer ces trois jours à l’intérieur du Parc de Saint-Cloud. À quatre sur scène, les musiciens donnent tout : Maxime Delpierre à la guitare joue avec une classe extrême, soucieux de soutenir son pote Thomas, véritable showman de l’après-midi dansant sur scène entre folie et maîtrise remarquable, complétés d’un bassiste vivant chaque riff passionnément et d’un batteur déchaîné. VKNG n’a définitivement pas un cœur de glace, tant il a su réchauffer celui des festivaliers et ambiancer leurs premiers pas foulés lors de l’édition 2015 de Rock en Seine.

VKGN par Fred Lombard

Sur la scène Pression Live, la rappeuse londonienne Kate Tempest livre une prestation concernée. Intraitable, la lionne anglaise, sauvage et animale, vient libérer ses mots lourds de sens au contact du beat électronique écrasant et époumonant de ses complices, à la manière d’un soundsystem clandestin.
La jeune MC, pleine de fougue et jamais à bout de souffle, alterne un flow effréné et rentre-dedans, façon bulldozer, propulsée à pleine vitesse par l’électro dopée de ses partenaires, et prêche a capella, absolument déconcertant de conviction. Passée maître dans l’art de la prose débitée à la vitesse du son, Kate Tempest mérite définitivement son nom tant son phrasé a l’effet d’une onde de choc, qui sans jamais s’enrayer à la manière d’une kalachnikov fait des dégâts irréparables à chaque passage. Une sacrée démonstration de force.

Kate Tempest par Fred Lombard

La Française Jeanne Added ensuite, présente sur scène une formule en trio avec notamment un batteur, un atout non négligeable pour les prestations lives de groupes électros. À l’image de ses deux meilleurs titres, elle sait autant envoûter (la somptueuse « Look At Them ») qu’envoyer des rythmes presque guerriers (la bien nommée « A War Is Coming »). Une belle prestation, mais qu’on imaginerait fatalement mieux taillée pour l’obscurité et l’intimité d’une petite salle.

Jeanne Added par Fred Lombard

S’ensuit Wolf Alice sur la plus petite scène du festival (donc la meilleure !). Une scène qui cache souvent bien son jeu et n’est pas avare en concerts excitants, comme l’édition de l’année dernière l’avait prouvé avec St Vincent et Royal Blood.
C’est peu dire que les Anglais étaient attendus après leur impeccable premier album. Les Britanniques de la capitale sont d’ailleurs en force dans la foule. Si ces gens ont les pires goûts culinaires, ils sont en revanche au sommet de la chaîne alimentaire musicale. Leur omniprésence doit donc être bon signe. Ceux qui imaginaient que la chanteuse serait une tigresse sur scène, à rugir dans tous les coins, déchantent cependant vite. Ellie Rowsell est plutôt sage derrière sa guitare et son pédalier, mais laisse le reste de son groupe envoyer l’énergie indispensable à leur musique. Le groupe joue avec les codes des années 90s avec brio et créativité, n’hésitant pas à partir dans des jams insolents. Les deux premiers singles balancés directement, « Fluffy » et « She » donnent le ton d’un set riche en chansons fortes. Un essai transformé !

Wolf Alice par Fred Lombard

FFS ensuite, propose un élégant moment dansant qui conquit la foule dès le premier titre. Le fait est que la musique de Sparks n’a jamais semblé autant dans l’air du temps, alors que celle de Franz Ferdinand est indémodable. Le résultat de ce super groupe est une addition presque mathématique des deux, pour le meilleur. L’incursion des plus grands tubes de Franz Ferdinand pousse l’ambiance encore plus loin.

Vient alors la découverte du jour, Iñigo Montoya!, qui joue sous le tout petit chapiteau des découvertes Ile-de-France. Quelle claque ! On peut affirmer sans hésiter qu’il s’agit d’un projet dont on va beaucoup entendre parler d’ici l’année prochaine. Cette bande de gamins propose une pop électronique presque progressive sans aucune règle et assez spectaculaire. Chaque morceau est une aventure, le sample est toujours juste, et le batteur affolant. C’est une belle prouesse que de faire ressortir live des morceaux aussi riches et à priori casse-gueule à retranscrire.

Au même moment, attendus impatiemment et passionnément par leurs fans français et britanniques, les quatre membres de Catfish & The Bottlemen arrivent triomphalement sur scène, avant même d’avoir entonné le moindre couplet. Décidé à convaincre ceux qui ne les connaissent que de nom ou qui vont ici les découvrir, le quatuor rock gallois va tout donner dès les premières minutes. Passionné et galvanisé par le leader et guitariste Van McCan, Catfish & The Bottlemen emporte sans peine tous les suffrages jouant avec attitude un rock fougueux, qui ne manque pas de reliefs et de sursauts.
Sur scène, la formation se libère des compositions plus formatées et aseptisées de son album « The Balcony » et ne lâche rien d’un (stadium) rock qui a tout pour conquérir la foule.

Catfish and the Bottlemen par Fred Lombard

La nuit tombe peu à peu et les gros noms débarquent. Il faut avouer qu’on se dirige du côté de The Offspring en traînant les pieds, sans trop s’attendre à grand-chose. On se dit d’emblée que le chanteur n’aura aucun mal à rentrer en boîte ce soir avec sa tête de Michou et sa veste bleue d’un goût particulier. Le groupe ressemble à une bande de vieux beaux sur le retour. Pourtant, magie du festival, la mayonnaise prend. Le public de Rock en Seine adhère totalement à cet enchaînement non-stop de tubes, que le groupe semble prendre plaisir à jouer. Beaucoup de chansons de Smash, évidemment, mais aussi des tubes plus récents qui font se mouvoir la partie la plus jeune du public.

The Offspring par Fred Lombard

Une mi-déception ensuite pour Fauve. Le public est acquis d’avance à la cause du groupe, mais on peine à retrouver la magie qui avait animé les prestations du groupe lors de sa résidence parisienne l’année dernière. La faute notamment aux morceaux du deuxième album, qui, il faut bien le dire, emballent moins que les classiques du groupe comme « Blizzard ». Mais la formule reste enthousiasmante, et la musique derrière toujours belle. Sur scène ça bouge dans tous les sens comme un concert de rap, et la foule n’est pas en reste, reprenant en chœur toutes les paroles. Dommage en tout cas pour « Haut les cœurs », proposé en version douce, alors que la chanson a tout pour enflammer le festival au naturel.

En star de la soirée arrivent les Kasabian. Les Anglais auront bien réussi leur coup, leur musique se muant ces dernières années dans le but évident d’accéder à ce statut de tête d’affiche. Statut légitime ? Ces dernières années, la musique du groupe était plutôt la bande-son idoine pour s’adonner à un petit pétard, aujourd’hui c’est la playlist idéale pour faire du sport. Mais, douce ironie, plus les albums semblent baisser en qualité, plus les scènes se font grandes pour le groupe. Groupe qui rappelle quand même rapidement aux sceptiques qu’il possède une tripotée de tubes. Le guitariste, Serge, tête pensante du groupe, est le véritable show-man de la bande, habillé en squelette, chantant beaucoup de parties, et balançant riffs qui tuent sur riffs qui tuent. Seulement, Kasabian s’obstine à essayer de transformer le festival en rave géante en multipliant les morceaux électroniques à forte ambiance dancefloor. Le groupe se donne donc à fond pour faire bouger la foule immense qui s’est déplacée ce soir. Intention louable, sauf que celle-ci ne semble jamais vraiment dedans, renvoyant de vagues dandinements polis aux beats du groupe de Leicester.
Il reste visiblement encore du chemin à faire à Kasabian pour justifier pleinement ce nouveau statut.

Pendant ce temps les plus petites scènes ne sont pas en reste niveau programmation.

Ainsi, Wand, du côté de la scène Pression Live, desquels on attend un rock garage dynamique, agressif et très direct vis-à-vis du public, après la sortie de l’excellent « Golem ». Mais ce quatuor californien va beaucoup plus loin que cela sur scène, car il met en place un jeu musical organique qui passe d’une idée musicale à l’autre d’une façon très fluide et très contrôlée. C’est le genre de groupe qui construit une atmosphère psychédélique pendant plusieurs minutes pour tout lâcher sans espoir de retour en quelques secondes par un riff puissant et acharné qui agrippe le public, le met en transe et revient vers les membres du groupe pour les forcer à aller plus loin. Le tout avec une précision musicale combinant justesse technique (pourtant sporadiquement impressionnante) et passage en retrait pour laisser la musique évoluer. Mention spéciale au guitariste qui, malgré l’énergie dégagée par la musique et ses camarades, a toujours affiché le même air blasé et contemplatif.

Wand par Fred Lombard

À la suite de Wand, alors que la lune culmine au-dessus de la scène Pression Live, l’Américain Son Lux va livrer la prestation la plus expérimentale de la nuit. Un set habité, sauvage, possédé, accompagné de lumières tamisées ou explosives à en perdre la vue.

Son Lux par Fred Lombard

À l’arrivée, une journée riche , pour tous les goûts, en attendant celle de samedi, avec en tête de gondole les Libertines… S’ils viennent évidemment !


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Sébastien Weber

chroniqueur attaché aux lives comme aux disques d'exception