[Live] La Route du Rock 2015, jour 2

Autant le vendredi fut à coloration rock très concentrée, souvent à volume maximal, autant la journée du samedi 15 août s’annonçait d’emblée comme plus éclectique, jouant à la fois sur les terrains de la pop, de l’électro et du rock pour satisfaire aux mieux les attentes diverses des festivaliers, au risque peut-être de les perdre. Dream pop, electronica et pop-rock sont attendus pour démarrer la soirée avant de lâcher les étalons du rock et conclure la soirée très tard dans la nuit sur un dancefloor électronique. Récit de notre deuxième journée à la 25e collection été de la Route du Rock.

Foals © Fred Lombard

Article écrit par Chris Rod, Yann Puron, Sébastien Michaud et Fred Lombard

Sur le banc de sable malouin, échouée là, assomée par le soleil haut et détendue par les embruns, se serre une petite foule de jeunes gens branchés sirotant la première bière de la journée à l’écoute d’un DJ set minimaliste, psychédélisant et inspiré. Soudain, les amateurs de rock lèvent le nez en direction de la scène toute proche: c’est que des paroles surréalistes à base de « vomis turquoise » et de « rails sous l’océan » leur ont frappé l’oreille, posées d’une voix apathique sur des beats bon enfant. Deux réactions possibles : amusement et trémoussement concomitants ou rejet total suivi d’un prompt départ. Flavien Berger tient autant d’un Gainsbourg des débuts façon 2.0 que d’un Polnareff facétieux, construisant un personnage Katerinesque à grands coups de pulses électro. Second degré, dancefloor de plage et rimes osées sont là de rigueur.

Représentatifs d’une part pop-rock non négligeable de la programmation de La Route du Rock, les quatre jeunes Londoniens balancent un mélange improbable d’accents surf pop, de phrasé rap et de nébuleuse easy listening. Et le terme « balancer » est à prendre au pied de la lettre : la nonchalance du leader Niall Galvin, un peu agaçante, dont on ne sait pas bien si elle relève de l’humour ou de l’arrogance pure, alliée au charisme approximatif de ses musiciens, peine à accrocher l’attention. Le contraste avec les propositions musicales investies de la veille est rude à encaisser : le pas de la fraîcheur des rengaines à la fadeur de l’ensemble a vite été franchi et, à l’instar d’une part du public, nous nous sommes rapidement éloignés de la scène, préférant garder en lointain fond sonore les gourmandises acoustiques pas désagréables pour autant d’Only Real.

L’atmosphère est bonne et belle sous le soleil, mais le contexte est incongru. Le duo électronique islandais Kiasmos inonde le fort Saint-Père de ses nappes électroniques lounge et planantes. Une sorte de Röyksopp ou de Télépopmusik OKLM qui ferait la merveilleuse B.O. d’un film. Mais entre deux groupes rock plus énergiques, difficile de comprendre la pertinence de ce choix dans la programmation. En réfléchissant un peu, on suppose que Kiasmos devait faire initialement partie d’une thématique scandinave prévue pour la soirée (avec Björk, trop épuisée émotionnellement pour venir, et Lindstrøm). La musique du duo aurait par contre été absolument fantastique sur la plage de Saint-Malo en soirée. Dommage.

Les quatre Madrilènes juvéniles de chez Burger Records ont beau avoir une joie communicative et une notoriété grimpante, nous sommes encore sous le choc. Après avoir entendu de vrais professionnels du rock depuis presque deux jours, on ne s’attendait pas à assister à un tremplin inter-lycées comme celui-ci. Le son « garage » est lo-fi, le groupe clairement amateur, les chants sont anarchiques voire faux, c’est difficilement supportable. Plus proche du phénomène de hype que de la révélation musicale, Hinds est notre grosse déception dans ce festival.

La fosse de la Scène du Fort transformée en gigantesque salle de torture SM… Percussions et beats électro, coups de fouets, brefs hurlements suraigus : bienvenu dans le riant univers de The Soft Moon. Face à un public mi-curieux mi-consentant, le leader du combo, Luis Vasquez, se réapproprie avec classe les codes de la cold wave 80’s et du rock indus’ façon Nine Inch Nails. Le chant est trafiqué, les lignes de basses caverneuses à souhait et noyées d’effets. Pas de doute possible : Trent Reznor meets Robert Smith. Et tant pis si le terme gothique paraît un tantinet désuet ou clichesque : hier soir, le souvenir de la boîte à rythmes et des guitares rasoirs des premiers Sisters Of Mercy a aussi certainement ressurgi chez quelques vieux corbeaux déplumés perdus dans la foule. Passéiste, Luis Vasquez ? Non, futuriste. Avec fougue et conviction, notre oiseau de nuit déroule la bande-son idéale d’un 21e siècle chaotique où l’on fait encore semblant d’y croire tout en sachant que cela se terminera (le plus tard possible, espérons-le), dans le sang, les larmes et les fuites radioactives…

Projet intéressant que celui de ces gars de Bristol étirant à l’infini leurs murs de guitares shoegaze troués par endroits du long râle grungy et rauque échappé de la gorge de Joe Hatt. Une mélancolie omniprésente s’exhale de l’ensemble saturé porté tantôt par un lent rythme psyché tantôt par un space rock tout en accélérations. On se plonge dans Spectres aussi facilement que dans un rêve dissonant qui pêche cependant par moments par un aspect pêle-mêle d’influences ou d’ornements disparates. On aime toutefois sans réserve l’intégrité de ces déflagrations rock qui sonnent comme une longue et (né-)faste prophétie déroulée sans reprendre son souffle. Un groupe à suivre.

Tête d’affiche de luxe en remplacement de la mystique Björk, Foals, à quelques jours de la sortie de son quatrième album « What Went Down » aura fait le bonheur de ses fans et d’une bonne partie des festivaliers présents. Passée la courte frayeur d’une seconde annulation, suite à la présence d’Alban Coutoux, programmateur du festival venu sur scène pour annoncer que le bassiste, Walter Gervers, victime d’un malaise dans l’après-midi, ne pourrait pas assurer son poste, et fort heureusement remplacé par Reuben Gotto, l’un des backliners de la tournée, le collectif math rock oxfordien régale sans tarder.
Dans les premières minutes, c’est l’excellentissime « Olympic Airways » tiré d’Antidotes qui réveille la foule, avant d’enchaîner avec les tubes des différents albums, « My Number », les récents « Mountain At My Gates » et « What Went Down », et la magnifique virée progressive de « Spanish Sahara », avant de conclure le show par l’incontournable « Two Steps, Twice ». Si les nouveaux arrangements du set font sonner plus lourdement les titres, Foals n’en perdra pas son efficacité et son art de livrer des compositions capables de déclencher un chahut total dans les premiers rangs comme des batailles de foin du côté de la scène des Remparts entre les festivaliers restés à l’écart. On aura vu un Yannis Philippakis, en frontman généreux, s’offrir un bain de foule, entouré de la sécurité, des photographes, et du public accolé aux barrières de sécurité, et se promener, le regard lointain, sur la corniche, d’un bout à l’autre de la scène pour mieux guetter l’immense foule présente ce samedi soir. Grandement attendu, Foals aura certes livré un concert avec du « fan service inside » comme on pouvait s’en douter, mais nous a surtout prouvé à nouveau que ses premiers titres n’ont définitivement pas pris une ride.

Avec sa présence et sa mise en scène minimalistes, il fallait être patient pour pouvoir entrer dans le petit jeu de Daniel Avery. Après une demi-heure de fioriture en guise d’introduction, le producteur anglais commence à rendre l’ambiance plus corrosive en faisant progresser ses beats vers des basses assassines. On peut enfin commencer à se trémousser et profiter de morceaux plus connus et subtilement amenés comme « Drone Logic » et « Naive Responsive ». L’expérience de la scène étant peu convaincante, on vous conseille plutôt de le voir au club de la Fabric à Londres, où il est DJ résident.


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Chris Rod

Photographe toulousaine passionnée de rock indé, cherche à laisser des traces d'une scène musicale incandescente...