[Interview] Gandi Lake

Lorsque Gandi Lake a sorti son EP éponyme en mai dernier, après le premier « essai » réussi du double single « Weather Vanes », nous avions aussitôt eu l’intime conviction qu’il se passait quelque chose de fondamental du côté de Caen.
La capitale rock normande n’avait donc pas capitulé après le passage remarqué des Concrete Knives, Granville et Guns of Brixton, dont nous espérons bien sûr le retour très prochainement.
La place toute chaude et non échaudée est désormais légitimement prise par un quintet de copains soudés, jouant au coude-à-coude avec le temps et la perfection. Qui aime tout simplement profiter du moment qui passe pour aboutir ses titres pop et psyché teintés des sonorités de la Perfide Albion, distante d’à peine six heures en ferry, et dont on peut deviner les côtes par extrême beau temps.
À quelques grains de sable de là, qui en aucun cas ne pourraient enrayer leur belle mécanique, nous avons retrouvé Gandi Lake en plein festival Cabourg, Mon Amour, dont le ciel rivalisait de menace avec la teneur du concert qu’ils s’apprêtaient à nous offrir.

crédit : Nicolas Nithart
crédit : Nicolas Nithart
  • Salut les Gandi Lake ! Je profite que vous soyez tous réunis autour de moi pour refaire les présentations !

Gandi Lake : Arthur, je suis à la batterie ; Cyril, je fais la basse ; moi c’est Alexandre et c’est guitare – chant, Fred, guitare ; Adrien aux claviers et aux chœurs.

  • Vous êtes tous caennais et originaires de Caen, en Normandie ?

Alex : Presque. On est tous de la région et on s’est connu à Caen. Dans des lieux où on se retrouve souvent comme des bars, des open mic, des lieux ouverts où on peut poser la guitare et faire des covers. C’est donc comme ça qu’on s’est rencontré, pas d’ailleurs dans une optique de faire un groupe. On est avant tout des copains… On est potes, hein les gars ? (rires). La musique n’est venue qu’après, c’est avant tout une histoire d’amitié.

  • Vous êtes référencés comme groupe plutôt psyché. Est-ce quelque chose qui s’est imposé d’emblée ? Comment en êtes-vous arrivés à jouer ce style de musique ?

Adrien : Ça s’est fait vraiment naturellement. Après, le psychédélique, c’est vachement à la mode aujourd’hui et on se retrouve associé à ça. Il y a certainement des influences, mais on s’en détache. Chacun apporte un peu sa patte. Alex est plus dans la pop vraiment anglaise et ça ressort pas mal dans notre musique. Moi, aux claviers, j’adore les vieux trucs, les vieux Farfisa (NDLR : célèbre marque italienne d’orgues électroniques et synthés) et donc, du coup, tous ces groupes psyché qu’il y avait dans les années 60. C’est vrai, il y a une patte comme celle-là, mais ça reste avant tout de la pop alternative, un peu fourre-tout.

  • Étant géographiquement proches de l’Angleterre, ressentez-vous un peu des influences britanniques ? Êtes-vous allés aussi un peu là-bas pour écouter des trucs ?

Gandi Lake : Alex allait y voir sa meuf ! (rires)

Alex : (faussement mal à l’aise) Il y a une époque où j’allais souvent là-bas, effectivement. D’ailleurs, pour aller chiner des vinyles… ou des chaussettes écossaises ! C’est vrai que, pour moi qui suis particulièrement fan de toute cette pop anglaise, de l’époque Beatles à aujourd’hui, j’ai ramené tout cet esprit en Normandie au moment où on avait le mood pour faire du son ensemble. Ça c’est donc présenté comme ça.

  • Gandi Lake est un groupe de cinq musiciens très soudés, ce qui devient rare de nos jours, de par les contraintes de coût de tournées et tout un tas d’autres raisons économiques, qui écrit ensemble Comment cela se passe (ou pas) ?

Fred : Les compos viennent essentiellement d’Alex et Adrien, qui composent pas mal chacun de leur côté, mais mettent ensuite tout en commun. Le reste du groupe se greffe à la basse, guitare et batterie. Chacun rajoute sa touche. Moi, les petits solos de guitare, la double pédale pour Arthur et le slap pour Pompon (alias Cyril). Par contre, pour les textes, on s’y met un peu tous. À terme, on se partagera certainement tous le boulot. Le tout pour faire des trucs à peu près cohérents, pour lesquels nous sommes contents.

  • Et tout cela de façon fluide et démocratique ?

Alex : Oui. Chez moi, j’ai ma guitare, je balance des mélodies assez épurées à Adrien pour qu’il en fasse un peu son truc en rajoutant des claviers. À partir de cette structure, on l’amène en répète et les autres apportent leurs trucs. Parfois, en une seule répétition, tout va être calé d’un coup. En tout cas, on part toujours d’une structure et cela marche bien.
C’est vrai aussi qu’on s’est retrouvé de façon un peu tantrique avec Adrien, au niveau de la compo. Moi je suis pop, lui plutôt psyché ; et on pourrait croire que le mélange des deux ne peut absolument pas fonctionner. Et finalement, en terme de forme, on s’entend vachement bien.

  • Le premier EP éponyme est dispo depuis début juin 2015. Un six titres, ce qui est assez inhabituel, car on voit plutôt sortir des quatre titres. Quelle suite allez-vous donner à cet EP ?

Arthur : On a tous envie de retourner vite en studio pour réaliser un deuxième EP, après le premier qui a été fait dans un studio à la campagne près de chez nous, avec Nico Brusq du Labo Télémaque, qui dépend du studio Télémaque, et Peter Bannier de Gomina. On leur a demandé de nous accompagner pour continuer à développer notre son. Il y a une vraie entente avec Nico, qui aime le garage et la musique 60’s, et Peter, qui est lui psyché dur de chez dur. Il y a maintenant une direction qui est bien actée et on va essayer de renouveler cette coopération avec eux, dans un endroit plus conséquent, pour le coup.

  • Ce sera éventuellement une sorte de continuité ?

Arthur : Oui, carrément comme un deuxième chapitre. Cela sera plus creusé d’un point de vue artistique, avec un confort d’enregistrement plus important. Pas pour nous ; mais du point de vue des prises, pour avoir totalement le son que l’on recherche, les micros que l’on a envie d’avoir. On espère cela pour le printemps 2016… avant peut-être l’album en 2017. À voir !

  • Et côté clip, c’est quoi l’historique de ce fameux clip de 22 minutes au format également inhabituel ?

Arthur : Oui, il y a une histoire. On voulait faire les branleurs et se démarquer (rire général).
Et on s’est dit, à la sortie de l’EP qu’on n’allait pas faire un vinyle comme tout le monde. On avait bossé sur le premier de « Weather Vanes » en 2014 avec Polaires Noires Productions, deux potes avec qui je travaille personnellement. On leur a proposé une carte blanche pour clipper tout l’EP, à savoir un chapitre par chanson. On partait avec l’idée d’avoir un clip avec des parties visibles individuellement. Cet aspect n’a pas été abouti, mais on est très content du résultat final du court-métrage qui tient d’un seul tenant. Et cela a permis aussi d’écouter l’EP dans son intégralité avant qu’il ne sorte sur les plateformes digitales.

Alex : Il y a avait la volonté d’avoir un objet, en donnant la liberté à chacun de regarder la partie du clip qu’il veut. Cela permettra de faire vivre l’EP au travers de ça. On est très content de l’avoir fait et d’avoir fait confiance à Polaires Noires. Tout en restant dans le microcosme caennais, ça fait plaisir d’être entourés de ces gens-là. Autant pour le graphisme que la vidéo, on a la chance d’avoir un microcosme qui gravite comme ça, même souvent de façon spontanée, et qui s’investit à fond.

  • Tout en restant bien dans l’esprit du DIY où on fait appel à des copains…

Exactement ! Et de plus, la taille de la ville le permet parfaitement. Y compris l’aspect trésorerie ou administratif. Il y a tout un côté, autour de la musique, qui prend beaucoup de temps, et il faut pouvoir le gérer. On a vraiment essayé d’avoir une vraie équipe autour de tout ça, fait maison ou DIY comme tu dis.

  • Pour continuer sur l’aspect financier, comment avez-vous justement pu vous payer ce clip ?

Adrien : On a fait du crowdfunding et, ensuite, le parcours du groupe a beaucoup joué. On a rapidement fait les Trans, par exemple. Cela nous a permis, en local, de prétendre à des subventions. Il y a des aides régionales parce qu’il y a une scène structurante comme Le Phare ou Le Cargo.

  • Et pour émerger ou avoir une visibilité, que pensez-vous des tremplins ?

Arthur : Il y a plein de groupes qui ont des métiers à côté et qui financent leurs projets. Qui sont aussi dans le DIY et qui organisent eux-mêmes leurs tournées, avec leur propre label. Ça dépend du parcours que l’on envisage. Les tremplins sont peut-être destinés plutôt à des groupes amateurs ou à de très jeunes groupes. Nous, on a plusieurs expériences avec d’autres groupes passés, que l’on utilise au quotidien. Tout notre background est mis au service de Gandi Lake. En tout cas, si on n’a pas forcément envie d’être co-brandés, il y a des tremplins qu’on aime bien, qui font suuuuper bien leur boulot…

crédit : Justine Debicki
crédit : Justine Debicki
  • Pensez-vous que, lorsque vous travaillez sur des dates, le fait d’avoir une étiquette d’un tremplin ou d’un concours peut tout de même ouvrir des portes ?

Arthur : On essaye d’avancer au maximum par nos propres moyens… On se fixe des objectifs : on a des dates à l’automne, il y a le deuxième EP, cela nous prend déjà vachement de temps.

Alex : On a envie de se prouver, de voir jusqu’où on peut aller de nous-mêmes. On sera largement OK pour déléguer lorsqu’on n’y arrivera plus. On a maintenant la chance d’avoir un tourneur – les Tontons Tourneurs – qui s’occupe de nos dates. On est ouvert, tout en gardant la tête froide. On prend le temps, sans accepter n’importe quoi.

  • Gandi Lake transpire la maturité en tant que groupe, dans son écriture musicale ; vous arrivez bien à gérer toutes vos vies ?

Arthur : Oui, on assume totalement notre double vie avec le boulot… ou notre triple vie avec nos maîtresses ! (rires) On travaille soit à EDF, soit en tant que régisseur, en tant que marketeur free-lance… Ça nous oblige, par définition, à prendre le temps pour Gandi Lake, pour répéter après le boulot par exemple. On veut vraiment prendre notre temps et travailler sur le long terme. La route est longue et pas question que le projet soit un feu de paille… L’album sortira alors qu’on aura déjà quatre ans, avec donc cette maturité qui nous a permis de relever le défi alors qu’on nous attendait au tournant sitôt le concert des Trans fait, après seulement huit mois d’existence. On se répète, mais on prend notre temps !!!

  • Et bien nous, on va prendre le temps de vous suivre ! Prenez tout votre temps, chi va piano, va sano, et on vous retrouve très vite pour le deuxième EP et sur scène. Merci et à bientôt les Gandi Lake !

Gandi Lake (en chœur) : Merci indiemusic !


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Nicolas Nithart

grand voyageur au cœur de la musique depuis plus de 20 ans