[Interview] Agua Roja

Il y a à peine un an, alors que nous déambulions entre les scènes de Rock en Seine à la recherche du meilleur concert auquel assister (le choix y est toujours très difficile, entre les groupes « Découvertes » et les têtes d’affiche), nous nous retrouvions happés, à l’épicentre du festival, par les tonalités provenant de la scène Région Île-de-France où les groupes franciliens, pas encore assez reconnus pour affronter les grandes scènes officielles, viennent se frotter à un public certes iconoclaste, mais exigeant. Agua Roja y officiait depuis à peine quelques minutes et nous nous sommes précipités pour comprendre ce qui pouvait ainsi soulever le chapiteau éphémère. À l’issue d’un set énergique, sincère et inespéré, fortement acclamé par une petite foule en délire, nous nous étions dit à l’époque que ce groupe à immense potentiel devait être scrupuleusement suivi en 2015. C’est donc avec un plaisir non dissimulé qu’indiemusic les a retrouvés sur scène en plein cœur de l’été, au festival Cabourg, Mon Amour, afin de profiter de leur raz de marée devant une mer pourtant calme pour faire plus ample connaissance.

crédit : Nicolas Nithart
crédit : Nicolas Nithart
  • Salut Agua Roja ! On fait les présentations ?

November : Je suis November, je chante et je suis un peu la maîtresse de maison (rires).
On est trois à composer, avec Clément aux synthés et Benjamin aux guitares. En live, nous sommes rejoints par un batteur et un bassiste.

Clément : Oui, je fais les synthés, mais, au-delà de ça, on n’a pas juste chacun un poste totalement défini, comme cela peut être le cas dans certains groupes. On s’entraîne un peu sur tout. Benjamin peut très bien faire des synthés s’il est meilleur que moi sur une partie ou s’il a une autre idée. C’est vraiment un travail collaboratif.

  • On vous a donc découvert il y a un an à Rock en Seine. Quel a été le véritable point de départ ?

November : J’avais un blog musical et j’aimais ce que faisait Clément en musique électronique. On se followait sur Twitter et, un soir, il a entendu les reprises que je postais sur mon site. Il a écouté ce que je faisais et il m’a contacté pour savoir si cela m’amuserait de faire un groupe. Clément et Benjamin étaient amis et n’avaient jamais fait de groupe ensemble. On s’est retrouvé tous les trois et on a composé « Summer Ends ».

Benjamin : La rencontre s’est donc tout simplement faite par Internet. Clément et moi avions fait la même école de son et je me suis pointé sans vraiment savoir ce qu’ils avaient manigancé (rires). L’idée de départ était surtout une rencontre entre trois musiciens. Je suis guitariste, mais je suis plus ingé son, pour voir de l’autre côté du miroir.

November : En fait, Clément, qui est donc aussi ingénieur du son, produit notre musique.

  • Donc, ça vous aide beaucoup !

Benjamin : Oui, et en même temps, cela peut être un handicap. Trop penser à l’aspect technique peut créer des barrières. C’est un peu comme lorsqu’on a fait le Conservatoire. Quand on pousse trop dans un domaine, il faut apprendre et désapprendre sans arrêt par rapport à tout ce que l’on a pu nous dire. Il faut essayer de travailler un peu plus à l’instinct.

November : Et tous les trois, on ramène des choses différentes… On a donc fait « Summer Ends » pour voir. On l’a sorti parce qu’on avait vraiment bien aimé travailler ensemble. Le retour des gens a été plus grand que ce que l’on espérait ; on a été pris par surprise, d’autant plus qu’on avait posté le titre sur Soundcloud sans infos et sans photo de nous.

  • Un premier EP est déjà sorti ; vous visez l’album ?

Clément : On ne sait pas encore exactement. On est en train de travailler les premiers morceaux. On joue en live pour le moment et on a commencé à enregistrer. Single, EP ou album, tout cela est en discussion entre nous et on ne sait pas encore avec qui on pourrait le faire…

Agua Roja - EP

  • Mais en fait, vous êtes dépassés par les événements ou vous avez la sensation de maîtriser les choses ? Dans quel état d’esprit êtes-vous tous les trois ?

Clément : On commence à sortir la tête de l’eau depuis cinq-six mois. Pendant un an, un an et demi, on ne comprenait pas ce qui se passait ; c’était la première fois que nous avions un groupe comme ça, on ne connaissait pas les us et coutumes, on débarquait complètement ! On a fait des bêtises, on a fait des trucs bien… sans le savoir en fait. On commence enfin à comprendre comment ça marche et, du coup, on est beaucoup plus à l’aise ! (rires)

November : Après, je pense qu’en vrai, ce qui nous a sauvés, c’est qu’on est trois, et qui plus est trois fortes têtes. On s’est dit que même si cela allait vite, on allait prendre les choses calmement pour faire un premier EP bien comme il faut, avec les morceaux qui nous plaisent vraiment…

  • La scène semble être un vecteur très important pour le groupe…

Clément : Aujourd’hui, c’est ce qui fait la différence. Avec tous les artistes qui sortent, si tu n’as pas un show qui tabasse, c’est compliqué de sortir du lot.

November : Et au-delà de ça, il y a différentes façons de partager un morceau. Déjà, partager un mp3 est quelque chose de très personnel. Par exemple, pour « Let Go » sur le premier EP, je reçois des messages privés… ça m’a vachement aidé. Déjà ça, c’est génial. Mais ensuite, le partage sur scène, avec le fait de retravailler un morceau (par exemple, la fin de « Summer Ends » est différente), nous amène à faire en sorte que les gens qui ont aimé le titre sur l’EP soient surpris, dans le bon sens du terme, et passent un bon moment, comme nous.

crédit : Nicolas Nithart
crédit : Nicolas Nithart
  • Il y a beaucoup d’empathie lorsque le groupe est sur scène : on sent que vous avez besoin du public, et toi particulièrement, November, lorsque tu cherches les gens avec les yeux, avec les mains, limite plans drague…

November : (éclats de rires) Ma première scène s’est faite avec les garçons ; on a appris ensemble. Il y a cette appréhension de se demander comment on va se comporter durant le concert en tant qu’artiste, comment je vais réussir à partager ces chansons-là. Ça m’a pris du temps, mais plus ça va et plus je me sens à l’aise… Je vais effectivement chercher les gens pour être sûre qu’ils passent aussi un bon moment. Il y a beaucoup de chaleur…

  • Et le côté vidéo, qui est aujourd’hui incontournable dans tout kit promo ?

Clément : On a sorti un clip pour « Summer Ends », qui représente assez bien le morceau et le début du groupe : c’est-à-dire qu’il s’est fait sans trop de moyens, c’est du bric-à-brac, des choses collées avec du gaffer. C’est un truc très honnête, d’un réalisateur qui est très très amoureux de sa petite amie, et ils partent ensemble…

November : Ce qui est chouette et ce qu’on aime dans cette vidéo, c’est le fait que ce soient de vrais souvenirs. Il nous a demandé s’il pouvait utiliser notre musique pour présenter cette vidéo souvenir à sa copine ; et nous, on lui a demandé d’en faire notre clip !

Benjamin : Et pour les autres titres, on a déjà des scénarios, on sait ce qu’on veut…

  • Est-ce que, finalement, cette sincérité n’est pas ce qui séduit d’emblée le public ? On est dans un vrai groupe, et pas un « produit » fabriqué.

November : C’est lié aussi au fait d’avoir été dépassés au début. Il n’y avait pas grand-chose à faire, si ce n’était d’être nous-mêmes et de faire la musique qu’on aime avec ceux qu’on apprécie. Ça a toujours été comme ça, depuis le début. J’espère vraiment que l’on va arriver à garder ça, car, parfois, quand on rentre dans une espèce de système, c’est plus compliqué.

  • Que va-t-il se passer de beau d’ici la fin de cette année 2015 ?

Benjamin : Pour sûr, des nouveaux titres et le plus de concerts possibles. Avec notamment cette date du 10 novembre au Festival des Inrocks, où on va jouer carrément avec Christophe.

November : Enfin, en première partie de Christophe, pas en featuring (rires). On a tous été très émus quand on l’a appris. On aime tous beaucoup la musique et je crois qu’il n’y a pas une année, depuis sept-huit ans, où je ne suis pas allée à ce festival. C’est un rendez-vous que j’adore, avec des artistes confirmés, mais aussi beaucoup de découvertes. Il y a toujours une programmation intelligente et en faire partie est un grand honneur pour nous !


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Nicolas Nithart

grand voyageur au cœur de la musique depuis plus de 20 ans