[Live] Beauregard 2015, jour 2

Deuxième journée sur le domaine de Beauregard. Le soleil et la chaleur estivale se sont passés le mot. De quoi profiter pleinement de la programmation éclectique de ce samedi entre découvertes alternatives et têtes d’affiches de renom jusqu’au bout de la nuit.

Florence + The Machine – crédit : Gaelle Evellin

On entend chanter au loin les Caennais de The Goaties. L’incursion de belles notes de cuivres évoquant l’air du glorieux « Atom Heart Mother Suite » de Pink Floyd nous invite à nous rapprocher. Il faut bien dire qu’un groupe qui a cette référence ne peut définitivement pas être mauvais. Parvenus au devant de la scène pour confirmer cette intuition, nous les découvrons maquillés de rouge et de noir.

The Goaties, c’est un dieu multiface allant du nerveux au tout doux. Les garçons ont opté pour des textes en français, et on imagine que si tout le public chantait avec eux, il pourrait bien se passer quelque chose d’unique ; eux qui semblent être les héritiers d’une tradition du rock français et qu’ils assument plutôt bien. Pour tout dire, on se croirait même dans le film « Le Grand soir » ; surtout quand Joseph au chant nous sort un bel accent normand de derrière les fagots.

Changement de scène pour découvrir les Britanniques de Marmozets. On s’installe tranquillement à l’ombre des pins parasols qui portent bien leur nom. Becca Macintyre, la chanteuse totalement déjantée, arrive, gonflée à bloc – Beauregard la présente d’ailleurs comme la fille de la chanteuse de Garbage, mais on ira plutôt chercher la comparaison du côté de Hayley Williams et son groupe Paramore.

La présence scénique est superbe, même si on n’est pas vraiment transporté par leur rock brut de décoffrage évoquant çà et là Paramore. La conclusion du set se fera sur une reprise, « Iron Man » de Black Sabbath.

Talisco : sur la scène John vient alors nous apporter de belles couleurs. L’esprit est léger et bon enfant. Les trois gars ne sont pas des bêtes de scène, mais il y a comme un déclic qui se produit quand le second guitariste se met aux percussions.

Le groupe prend alors le temps de construire progressivement un titre, ajoutant chaque instrument l’un après l’autre jusqu’au riff de leur tube « Your Wish », qui met tout le monde de bonne humeur et plein d’entrain. On regrettera néanmoins des moments où on espérait un décollage alors que tout restera bien calme, à la limite de la frustration ou nous laissant en tout cas sur notre faim.

The Strypes claque en studio, et on y allait avec un préjugé positif. On entend au loin un harmonica et une musique commencer dans le délire de « Ballad Of Easy Rider », mais personne n’est encore sur scène. C’est alors que les musiciens débarquent avec leurs riffs ravageurs.

Les sachant en pleine ascension de l’autre côté de la Manche, on se met à rêver de les écouter avec une tripotée d’Anglais chantant sur les refrains, ou dans un pub où l’atmosphère est lourde et la bière tiède. C’est une culture que, finalement, nous n’avons pas ; et on voit peut-être là que certaines musiques perdent de leur authenticité en s’exportant.

De même, on imagine que le set de Johnny Marr – ancien des mythiques Smiths – prendrait une autre tournure face à un public reprenant ses hymnes en choeur. Si son look très anglais avec sa chemise rouge et sa coupe « mod » attirent notre attention, on n’est pas vraiment conquis par ce type de projets personnels dans lesquels seul le leader est mis en avant : Johnny Marr, Florence + The Machine et Julien Doré.

En revanche, la véritable présence scénique de Florence Welch emporte notre totale adhésion. Le public est bouillant, tout comme Madame. En l’admirant crinière au vent, il nous revient cette tradition grecque qui veut que les femmes se détachent les cheveux au jour de leur mort ou quand elles font l’amour. On penche donc aisément en faveur de l’hypothèse charnelle.

Sur scène, la prêtresse rousse a l’air d’une enfant qui parcourt son royaume, et c’est touchant. Elle sautille et s’exalte en motivant la foule. Son jeu de scène théâtral fait des émules et on a presque l’impression d’assister à une performance artistique où elle serait possédée par le démon Musique. Merveilleux souvenir que ce piano seul, les claquements de mains de la foule qui s’improvisent en rythme, la batterie qui part et le synthé qui suit ; c’était magnifique.

Ambassadeur de la french touch, Julien Doré apparaît tout de noir vêtu : chemise, veston et pantalon. Et on se plaît à ironiser qu’il pourrait être notre Kanye West national, que ses états de transe transfigurent en Jésus. L’instrumentation est vraiment agréable, mais n’est malheureusement pas suffisamment mise en avant.

C’est bien dommage ; la magie qui opérait avec Florence + The Machine s’est dissipée pour nous laisser presque cyniques face à cette mise en scène un peu trop orchestrée. Est-ce parce que les charmes de Monsieur opèrent moins que ceux de Madame ? Nous ne le saurons jamais. En tout cas, le plaisir de retrouver ses textes est toujours au rendez-vous comme viendra le confirmer son tube « Paris-Seychelles », réarrangé pour la scène. Le public, en mode « big løve », trépasse quand même.

Sting, sans surprise, grande classe avec sa jolie barbichette qu’il a laissée pousser, présente le groupe en français de façon très touchante. Puis le concert nous emporte : l’entendre chanter les classiques de The Police tels « Roxanne » ou « Message In A Bottle » reste quand même un véritable rêve à réaliser. Le moment du solo impressionnant du batteur ; c’est l’occasion de se poser des questions métaphysiques : les chanteurs chantent-ils parce qu’ils s’aiment, parce qu’ils ne s’aiment pas ou bien parce qu’ils aiment le fait de ne pas s’aimer ? Le mystère reste complet.

The Dø ramène l’électro à Beauregard. On commence tranquillement sur « On My Shoulders » qui passe tout seul en live ; la voix d’Olivia se posant doucement et nous transportant aisément. Le projet s’écoute très bien en mode lumières aveuglantes et regards volés à la foule. Les refrains sont franchement agréables, car propices à une danse introspective.

Vient le moment d’ « Anita No! » et le flow de la chanteuse ferait presque penser à Selah Sue. Elle est habillée en mode Street Fighter et danse avec une aisance redoutable. On a aimé.

Dernière ligne droite avec les 2 Many DJ’s. Notons quelques morceaux que les frérots belges ont passés pour vous donner une idée : « Girls » des Beastie Boys, « Le cactus » de Jacques Dutronc, du Bloody Beetroots, la B.O. de Drive, du Jungle pour le petit clin d’œil à la programmation de la veille, du Tame Impala, « The Bay » de Metronomy et ainsi de suite. Bref, on ne sait pas s’ils font la musique, mais on bouge bien et il y a des vieux comme des jeunes. On quitte les lieux sur « Tron » de Daft Punk ; la nuit sera courte !


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Nils Savoye

Mais de quelle situation cette musique pourrait-elle bien être la bande-son ? Réponse d'un étudiant en histoire.