[EP] Marvin Jouno – Ouverture

La vie est un roller coaster géant, sinueux de frissons délicieux et de peurs malicieuses, d’instants divins indélébiles et de moments débiles que l’on voudrait oublier à tout jamais.
La vie est schizophrène, capable de nous réserver le pire comme le meilleur.
La vie est ambiguë jusqu’à affubler certains bonheurs de noms à consonance mortifère : mort de rire, les trompettes de la mort, la petite mort…
On la déteste et on l’aime à la fois, notamment lorsqu’elle nous offre de découvrir sans crier gare le talent insolent d’un Marvin Jouno.

Marvin Jouno - Ouverture

Breton qui a jeté l’encre à Paris pour noircir des pellicules photo et des décors de cinéma, celui-là, tant réservé et pudique qu’il en a oublié de choisir un pseudonyme pour (se) réaliser pleinement dans ses talents cachés, s’expose aujourd’hui avec son premier EP, « Ouverture », un quatre titres de noblesse, annonciateur d’une carrière qui ne restera pas dans le corridor et qui ne sera pas en dents de scie.
Car armé de cette première épée, Marvin Jouno, artiste aux faux airs de Jude Law, va indubitablement faire rapidement sa loi dans une pop française aux abois, lui apportant un réel renouveau. Une montée en flèche – on vous aura prévenu – dans un paysage musical compliqué, manipulé, truqué, dans lequel il va pouvoir imposer le scénario de ses textes, de ses mélodies, de sa vie.
Et même s’il regarde le côté Passé sur la photo illustrant la pochette de son EP, c’est résolument vers des mélodies et textes d’Avenir que Marvin Jouno ausculte le ciel étoilé de la musique où la sienne scintille déjà.
L’envie d’entrer par sa porte aujourd’hui grande ouverte, après des années d’incertitudes et d’hésitations, est désormais marquée au savoir-faire rouge avec des morceaux aussi évocateurs qu’enchanteurs : « Quitte à me quitter », « Si le vous vous plaît », « Est-ce l’Est » et « Dans l’étang ». Avec des paroles léchées et pas délaissées, que Marvin Jouno n’hésite pas à dévoiler sur un mini poster inséré dans le packaging auberge espagnole façon poupées russes.

Les vingt secondes d’intro de « Quitte à me quitter »  sont comme un piège inextricable. Passée cette mise en douche, une pluie rafraîchissante par un beau soir d’été vient suinter de nos oreilles jusque dans notre âme. Une voix nouvelle et pourtant familière, façon Murat ou Chamfort, nous attire et nous tire sereinement dans l’intimité d’une histoire d’amour qui sent le survécu. Hypnotique et lyrique, la dualité vocale et sonore nous impressionne et nous commotionne. Marvin Jouno déboule avec sa boule à facettes et reflète dès ce titre d’ouverture une entrée dans la matière et dans la manière.

« Si le vous vous plaît » ne pouvait être louvoyé que par le tutoiement d’un Marvin Jouno qui joue avec les mots et les maux, en double lecture. Grâce à des clins d’œil portés à ceux qui prendront le temps de bien écouter les mots forts de ce sémaphore musical, qui donne certainement le signal à une nouvelle ère qu’un certain Lucien Ginsburg aurait volontiers applaudi. Un titre entraînant et entêtant qui va jusqu’à prendre l’accent dans son texte pour élever son verbe à un niveau peu académique, mais qui pourtant pourrait y entrer. « J’estomperai le trait / le rideau entre nous / je me dévouerai / je vous dirai tout ».

« Est-ce l’Est » milite pour une musique cinématographique, presque militaire. C’est un chant de bataille pour des lendemains qui déchantent. Avec une mise en scène qui est la sienne, qui déjante et qui parle aux gens comme elle parle à l’histoire. Une manière polie et politique de faire passer des messages tout en prodiguant un massage à nos oreilles tendues vers ce titre ténu et peu attendu sur cet EP. Un train de vie peut en cacher un autre.

crédit : Silvia Grav
crédit : Silvia Grav

Une respiration comme inspiration finale de ce redoutable et imparable EP vient finir de nous convaincre que les musiques dites actuelles peuvent encore nous surprendre et nous détendre. « Dans l’étang » est dans l’état un titre qui ferme cet EP, mais qui lui ouvre tout autant de belles perspectives. « Stop, arrête, ralentis / Mais qui t’a dit qu’on ira tous au paradis / Tu vas si vite / T’as quoi de prévu après la vie ? ».
Marvin Jouno vient ainsi à poings nommés avec une musicalité au passé futuriste et aux paroles au destin animé.
Marvin Jouno n’est pas pressé, mais sitôt cet EP pressé et disponible pour tous à l’écoute, parions que son nom « Ouverture » cache lui aussi son lot de symboliques pour une carrière qui s’annonce symphonique.

« Ouverture » de Marvin Jouno, sortie le 31 juillet 2015 chez Un Plan Simple.


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Nicolas Nithart

grand voyageur au cœur de la musique depuis plus de 20 ans