Le rapport entre la beauté et la mélancolie est toujours délicat. On peut sombrer dans le cliché romantique le plus total ou, au contraire, se perdre dans les magnifiques tourments de l’âme pour y trouver des pierres musicales précieuses et incomparables. De Laurentis s’impose immédiatement comme la porte-parole de ces élans à la fois sensibles et à fleur de peau, en nous offrant un EP aux couleurs tantôt sombres, tantôt éclatantes.
Tout commence par un piano qui, en écho avec la voix, s’apprête à nous emporter tout au long de complaintes écrites à l’encre noire, celle qui imprègne les ouvrages d’une existence dévouée à l’exploration de la pureté et de l’introspection. Avec son premier effort, l’artiste toulousaine De Laurentis n’a pas choisi la facilité ; au contraire, même. Car accepter de se montrer tel qu’elle le fait tout au long des six titres de son EP démontre une véritable confiance en elle-même, en ses capacités de composition et sa volonté de montrer, sans jamais exhiber, ce qui la suit dans son inspiration. Ce qui la fait vivre tout en portant un regard baigné de larmes sur le passé. Avec un seul objectif : orienter ses créations vers un avenir aussi radieux qu’empreint du témoignage de ses expériences personnelles. Une mise à nu aussi déchirante qu’émotionnellement parfaite et obsessionnelle, aussi bien pour elle que pour l’auditeur.
Chaque instrument et arrangement est sensitif, au sens propre du terme. Une fois offertes, les harmonies courent sous notre peau, vibrent et s’immiscent derrière nos paupières closes pour mieux faire briller des larmes purificatrices et incontrôlables. « Sparrow », avec ses douces mélopées électroniques, est un monument d’épure et de délicatesse, une offrande à Éros et Thanatos, à l’absence et à l’amour. Un clavier captivant portera chaque titre à bras le corps, complétant le chant avec une perfection de tous les instants, que ce soit dans les couloirs à demi-éclairés de l’âme (The Angel, Silent Home) qu’au détour d’une reprise respectueuse et intime (I Follow Rivers, de Lykke Li).
De Laurentis lève les voiles gris de ses désirs et de ses ambitions, toujours dans un souci d’introspection et de confidence. Les rythmes eux-mêmes se dissimulent derrière des arrangements sobres et hypnotiques (Many Years), comme inclinés devant ces splendides moments existentiels posés sur des partitions toujours justes et superbes.
On contemple avec le plus grand respect ces contes de la douleur et de la rémission, ces paroles prononcées avec prestance et confiance. Le timbre de De Laurentis est incomparable, loin de toute influence ou revendication ; il porte en lui les stigmates du temps et les perles lacrymales de sa quête vers un futur baigné de l’expérience à transmettre chaque jour. Telle est l’ambition de cet EP éponyme ; comme si l’absence de titre exprimait le besoin de l’artiste de se montrer, de ne pas avoir peur de venir s’asseoir sur le devant de la scène pour discuter avec nous, de sa voix douce et intensément passionnante. Les mains tendues vers nous pour nous prouver que chaque souvenir, chaque ressenti fait l’homme tel qu’il est, et qu’il ne faut jamais essayer de tirer un trait sur le passé.
Au contraire, il faut le faire vivre, et l’art ici développé se veut, à juste titre, autant un testament qu’une conduite future qui sera motivée par toutes ces réminiscences maintenant posées sur des portées et des journaux intimes. La musicienne nous offre un idéal mélodique qui nous transperce et nous transporte, toujours plus loin, vers la lumière.
Il est d’ores et déjà certain que De Laurentis est une artiste incontournable, tant son EP contient d’espoirs et de personnalité. Et on peut affirmer qu’on la suivra tout au long de son parcours, avec la même émotion et une inévitable addiction.
« De Laurentis » de De Laurentis est disponible depuis le 1er juin 2015.
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