[LP] Balthazar – Thin Walls

Alignant les perles rares sur un fil entre pop, folk et trip-hop, « Thin Walls » est une succession mémorable de titres inspirés et parfaits.

Balthazar - Thin Walls

Difficile étape que celle de succéder à un album ayant fait l’unanimité, aussi bien publique que critique. « Rats », le second effort du quintet belge Balthazar, avait en effet mis tout le monde d’accord au moment de sa sortie en 2012, alliant instants lumineux et nonchalance vocale totalement vouée à la cause instrumentale. Un coup de maître qui laissait augurer du meilleur pour les années à venir, mais inspirait également une crainte compréhensible quant à la suite des événements ; après un tel coup d’éclat, que nous réservait le groupe avec son retour ?

« Thin Walls », loin de permettre aux membres de l’entité de ne compter que sur leur réputation, est un album qui se projette au-delà des espérances. Plus intimiste que son prédécesseur, il creuse le sillon mélancolique qui ne faisait qu’être suggéré auparavant, tout en le magnifiant et le rendant ainsi totalement indispensable.

« Thin Walls » est un voyage dans l’au-delà des inspirations de Balthazar ; une collection de moments de vie qui se referment sur eux-mêmes pour mieux être compris. Entre les élans trip-hop du somptueux « Decency » et des sonorités que Mark Oliver Everett n’aurait pas reniées (Last Call), les Belges offrent des chansons à la mobilité incontournable, se métamorphosant sous nos yeux en créatures hybrides dont les contours bougent sans cesse. L’énergie inhérente à « Then What », entre puissance contenue et mépris déguisé, s’entrelace aux nappes de cordes, de claviers de choeurs de « Bunker », extase des sens qui nous permet de fermer les yeux et de laisser nos corps se mouvoir langoureusement.

« Last Call », à lui seul, démontre la capacité des musiciens à poser de nouvelles fondations à leurs compositions, entre nonchalance et déliquescence presque psyché mais, plus que tout, envie de chavirer au milieu de ces voix envoûtantes et confortables. L’immédiateté folk de « So Easy », alors qu’elle suggère en fin d’album en forme de gueule de bois, nous offre au contraire l’apothéose invocatrice de « True Love », entre désillusion et dépouillement, qui achève de plonger l’auditeur dans un état de fascination et de transe extatique et magique, de celles qui nous font perdre nos facultés motrices et nous obligent à nous allonger pour mieux savourer le miracle qui se produit d’écoute en écoute.

De ces murs fins, on retiendra surtout les sons audibles à travers les parois d’une chambre d’hôtel bercée de lumières pâles, une nuit d’insomnie, alors que la torpeur se conjugue à l’éveil des sens. Une nuit qui va toucher à sa fin mais dont les vapeurs d’alcool et de cigarette enivrent encore, tandis que l’on s’étend sur un lit de fortune, sans se déshabiller, et que l’on fredonne des mélodies qui deviennent immédiatement entêtantes et gravées dans le marbre de la création actuelle. Musique de chambres et de lendemains de cuite pendant lesquels on a pourtant gardé tous ses esprits, « Thin Walls » ne recule jamais devant le défi que représente une telle offrande ; ses buts ultimes, ses questions sur le chemin parcouru jusqu’ici et ce qu’il reste à suivre, en reprenant la route. A la fois grandiose et humain, l’album ne cesse de révéler tous les détails qu’il dissimule précieusement, toutes les interprétations possibles, qu’elles soient complémentaires ou contradictoires. Réalisé de main de maître et avec les tripes, il bouscule autant qu’il émeut, bouleverse autant qu’il fascine.

crédit : Anton Coene
crédit : Anton Coene

« Thin Walls », ou les méfaits transcendantaux d’un groupe qu’il nous est impossible de ne pas aimer. Et de considérer comme le pilier d’un art inclassable et remarquable.

« Thin Walls » de Balthazar est disponible depuis le 30 mars 2015 chez PIAS.


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Raphaël Duprez

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