[LP] Fyfe – Control

Exit la tambouille assourdissante : l’électro-pop de Fyfe confirme l’immensité de la simplicité. « Control » est lumineux.

Fyfe - Control

C’est le menton relevé, l’air fier mais modeste, que Fyfe présente son visage couvert de peintures fraîches. Tranches épaisses, prêtes à craqueler, comme le masque que poserait une esthéticienne dévouée et dangereuse. À défaut d’avoir une argile verdâtre, il préfère la couleur vive. Bleu, orange, violet, rouge. Tout y passe pour ainsi ressortir, d’un ensemble poli et lumineux, les dix morceaux que « Control » éparpille ici et là ; d’un côté, de la pop organique et, de l’autre, du lyrisme acharné.

Paul Dixon, de son vrai nom, a d’abord montré son visage (du moins l’arrière de sa tête) il y a quelques mois avec son titre « Solace », qui a déclenché l’ardeur des plus grands (London Grammar, Childish Gambino) comme des plus fidèles (fans, blogs, radio). « Je n’attendais rien de particulier avec « Solace », donc j’ai été surpris par tout le bruit que cette chanson a généré », dit Paul. « Je sortais d’une période d’écriture intense et cette chanson a eu besoin de s’envoler ». Trompette en guise de sucette, clavier sous les doigts et violon sous le coude, il passe son enfance à jouer dans des orchestres. « La dynamique de la musique classique passe du très doux au très explosif, et utiliser les arrangements pour évoquer des émotions est important pour moi ». Il découvre ensuite l’installation Logic de son grand frère et s’écarte de la musique classique pour composer ses propres chansons alors qu’il est en fac d’Économie à Manchester. Concentration bancale, intérêt mitigé et, après avoir posté ses propres compositions sur MySpace et YouTube, il signe chez Mercury : son premier grand saut.

Il simplifie, écartèle, mise sur l’essentiel. Fyfe se centre sur une rythmique claire et efficacement redondante. Par esprit de comparaison, son confrère Daniel Woolhouse, aka Deptford Goth, suit la même logique (en moins clinique) : le dépouillement instrumental par la voix et l’électro, bien que ces derniers cèdent par moment à l’appel originel du classique, libérant une sorte d’humanité musicale qui se soustrait vite à l’émotion. On se souvient du dernier regain de Woodhouse avec son album « Songs », qui nous avait pourtant habitués à l’incroyable univers de « Life After Defo », aseptisé jusqu’à la moelle.
De son côté, accompagné de son clavier et de ses instruments à vent discrets, Fyfe est un joyeux petit luron. Avec son chant solaire, il noie « Polythene Love » et « St. Tropez » dans le funk des 80’s qu’on a récemment croisé chez les gars de Caïman Philippines. L’ouverture se fait à merveille grâce à « Conversations » et « Holding On », tubes à part entière. Puis volte-face, noirceur et profondeur : les jazzy « For You » et « In Waves » arrivent en trombe pour rejoindre le groove torturé du célèbre James Blake avec « Lies, Pt. II ».

crédit : Sophie Derrick
crédit : Sophie Derrick

Les paroles parlent d’elles-mêmes, rejouent les malaises de l’amour et tendent à définir la place qu’un homme de 25 ans peut avoir ici-bas. Paul l’a décidément bien trouvée. Et tandis que les gens s’attristent sur des choses vaines et sans intérêt, nous sommes les heureux bénéficiaires de sa lumière, jusqu’à l’éblouissement.

« Control » de Fyfe, disponible le 9 mars 2015 chez Believe Recordings.


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Julien Catala

chroniqueur mélomane, amoureux des échanges créés autour de la musique indépendante