[EP] After Snowfalls – Fading Away

Cinq titres inclassables, imprévisibles et libérés de tout carcan réducteur, des frasques et inutilités de genres qui ne lui suffiront jamais.

After Snowfalls - Fading Away

Il est parfois plus facile de ne pas se soucier des limites musicales plutôt que de tenter vainement de les dépasser. C’est peut-être ça, la liberté créatrice : noyer des repères qu’on sait souvent inutiles et superflus, justement pour atteindre les extrémités mélodiques les plus fascinantes et profondes.
Il suffit par exemple de consulter sur Internet l’impressionnant CV de Louis Arlette, tête pensante de l’entité After Snowfalls ; on vous laisse juger par vous-mêmes.
Mais alors que d’autres auraient préféré se reposer sur les lauriers de la gloire sans essayer, ne serait-ce qu’une seule fois, de partir à la recherche de nouvelles perles sonores, le compositeur et ses acolytes semblent décidés, grâce à « Fading Away », à couper les fils barbelés de terres trop possessives et limitant ses capacités. L’EP est un envol vers de nouveaux horizons ; mais c’est surtout une collection de chansons inclassables et que l’on n’essaiera jamais de raccrocher à un ou plusieurs styles trop réducteurs. Pour aimer (et c’est ce qui arrivera sans aucun doute), il faut écouter. S’immerger. S’y noyer.

Plus que tout, à l’écoute de ces titres étranges, la première impression qui nous étreint est celle de ne plus toucher terre. On savoure ces nuages harmoniques, ces chœurs appuyés par une rythmique presque martiale mais embellie lors de doux moments orchestraux (The Solution). Tout l’art d’After Snowfalls réside dans cette dichotomie : le sentiment de marcher d’un pas lourd tout en sachant que le sol se dérobe sous nos pieds. Entre velours, sons électroniques et délicatesse de claviers et guitares hypnotiques (Fading Away), on s’égare sur une piste de danse inopinée qui transperce l’épiderme (Don’t Leave Me Here), fascinante de mélancolie et de larmes mêlées à la sueur, en ayant auparavant rencontré des bleus à l’âme jazzy et extraterrestres (No Soul).
Parmi les décors immaculés des couloirs lumineux et artificiels d’une clinique déserte et froide, on croise des regards, des visages scupltés dans les murs, réconfortants bien que paralysés et sur lesquels le doute a élu domicile. Le groupe mêle une précision quasi-chirurgicale des sens à une liberté immuable de la construction de ses chansons, comme le prouve la voix mécanique et pénétrante de « Memories of Yesterday ». Un scalpel court sur des corps glacés mais laisse sa place à un défibrillateur musical qui agite nos membres de soubresauts imprévisibles et salvateurs.

Cette impression de flottement, d’absence volontaire de repères berce l’auditeur et le prend entre des griffes synthétiques et aussi caressantes que pénétrantes. « Fading Away » est une épreuve sensorielle immédiate et stupéfiante ; une certaine idée de l’addiction, en quelque sorte. Une ivresse mentale que l’on ne peut pas contrôler et qui perfore tous nos synapses, nous entraînant sur les rives grises et éclairées d’une zone inhabitée. Un terrain qui donne du vague-à-l’âme et obsède, éblouit et captive.
Chaque chanson évolue entre planètes brillantes et trous noirs, ne permettant aucune résistance à leur pouvoir d’attraction. On s’y étale, on s’y enfonce comme dans de sombres sables mouvants, avant de frôler de minuscules grains d’un sable qui nous suffoque et nous amène plus bas, toujours plus bas. Si l’électricité statique, celle qui dresse les cheveux sur nos crânes grâce à l’extase et la décharge subversive qu’elle provoque, devait avoir une illustration sonore, nul doute que ce serait cette fresque du plaisir et des ténèbres.
After Snowfalls ne laisse aucun temps mort, aucun détail au hasard ou à la chance ; au contraire, il provoque les destins de titres magnifiques et magnétiques, multipliant les pistes pour le plus grand et coupable plaisir de l’auditeur. Qui, lui, reste paralysé face à ce phénoménal spectacle émotionnel.

After Snowfalls

Nul besoin de plus de cinq chansons ; « Fading Away » est aussi dense et complexe qu’un album complet. Une succession de pierres précieuses que l’on va prudemment conserver contre soi pour en ressentir les éternels bienfaits.

« Fading Away » d’After Snowfalls est disponible depuis le 15 janvier 2015 chez Le Bruit Blanc.


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Raphaël Duprez

En quête constante de découvertes, de surprises et d'artistes passionnés et passionnants.