[LP] Leem – Rising More Slowly

Un disque sur lequel l’électro se fait aussi bien profonde que testamentaire, révélation poignante et sincère d’expériences personnelles douloureuses dont la musique devient le meilleur exutoire.

Leem - Rising More Slowly

En cette période de début de nouvelle année, on voit fleurir tous ces albums estampillés « au bénéfice de la recherche contre… ». Et il faut bien l’admettre, on y trouve de tout, mais surtout, n’importe quoi. On ne parvient jamais à séparer la démarche commerciale du véritable engagement des artistes dans un combat qu’il est, de ce fait, difficile à identifier. Évidemment, on peut considérer la volonté de chaque personne impliquée comme étant sincère et volontaire, mais il y a eu tellement d’abus que tout devient flou et compliqué à cerner. Tant et si bien que les auditeurs que nous sommes réclament de la vérité, sans partir dans le terme politico-aberrant de « transparence ». On se confronte alors à d’autres propos venant de compositeurs moins connus, mais au passé plus marquant et vécu de l’intérieur ; Ceiling Demons par exemple, dont nous avons parlé ici il y a peu. Et aujourd’hui, l’artiste londonien Leem nous offre et mobilise, avec « Rising More Slowly », son art en le mettant autant au service d’une nécessité intime que de causes importantes et malheureusement peu reconnues. Un album d’appel à la solidarité ? Non, un véritable LP vu de l’intérieur. Une expérience thérapeutique.

Chaque mélodie, chaque arrangement devient un geste, un cri, de même qu’un besoin viscéral de transmettre ce qui a été traversé par l’artiste. Sous les glitches de « Something Happened To Me » battent les cœurs en alerte d’êtres aux sourires emplis de souffrance mais tellement sincères. Ainsi, les voyages initiatiques que sont « Chimes » et « Fire », moments délicats et à l’émotion à fleur de peau, nous exposent les plages de côtes brumeuses issues de l’imaginaire, du rêve, de la traversée d’un désert où la fumée se serait installée pour mieux dissimuler la réalité et les craintes de l’homme. Apparaître sans simplement paraître : c’est le défi que s’est fixé Leem, celui-là même qui prend toute sa dimension exutoire dans des moments intenses et profondément bouleversants (Rising More Slowly (Intro), About Time) ou des passages plus légers, respirations fugaces au milieu de ce torrent fébrile de sensations puissantes et hallucinatoires (Jungle Rag, Closer). « Rising More Slowly »  évoque autant la douleur que la rémission, le doute que le soulagement.

À l’écoute de ces formidables titres, on comprend mieux pour quoi Leem a assuré la première partie de la tournée américaine des fantastiques Duologue. Mais on anticipe également ce que le disque est réellement, ce pourquoi il se bat à grands coups de nappes synthétiques, de samples et de rythmes entêtants : une manière peu commune de révéler ce que son créateur a enduré. Nés de la maladie et de ses conséquences, mais aussi de cette nécessité de tous les instants de sortir de la complaisance dans le trouble physique, les titres donnent à entendre ce que l’artiste confie, au stade de la rémission ; ce qu’il a connu, organiquement et avec profondeur. Écrite avant le drame vécu, la musique prend tout son sens au sein de l’expérience, dévoile sa réalité par la traversée du tunnel. Et devient ainsi la pulsation d’une veine dans laquelle le sang ne veut jamais cesser de battre ; le pouvoir de la volonté humaine, son humilité et sa force de conviction. Mélodiquement, « Rising More Slowly » est autant une berceuse électro sensible qu’un chemin personnel entre abysse et firmament. Les repères sont tantôt flous, tantôt lumineux, mais laissent à l’auditeur la liberté d’y intégrer ses instants existentiels confidentiels, ses peurs et ses motivations à aller de l’avant. Un compagnon sur une route semée d’embûches et imprévisible, aidant à choisir le meilleur à chaque carrefour.

Leem

Concrètement, Leem offre les dons faits en achetant son album sur Internet à des fondations de recherche contre le cancer de la moelle épinière et la leucémie. Et, derrière une telle démarche, on se doit d’admirer des musiques denses, vulnérables et mystérieuses. Une totale dévotion pour l’art autant qu’un message d’espoir sous forme de quête harmonique envoûtante.

« Rising More Slowly » de Leem est disponible depuis le 25 novembre 2014 chez Wild Game Records.


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Raphaël Duprez

En quête constante de découvertes, de surprises et d'artistes passionnés et passionnants.