[LP] Archive – Restriction

Nouvel album des Anglais sous forme de remise en question, les musiciens apprivoisant la modernité musicale anglo-saxonne tout en y insufflant leurs propres expérimentations.

Archive - Restriction

Depuis quelques années (et l’album « Lights »), on appréhende toujours un nouvel album d’Archive ; car il faut bien reconnaître que le groupe a offert autant de moments d’extase (You All Look The Same To Me) que de déception (Controlling Crowds). Comme si l’envie de surprendre avait déserté cette entité à l’exosquelette en mouvement constant ; comme si, tout simplement, le minimum syndical était de rigueur. Il faut bien l’admettre : l’arrivée d’un nouvel effort de leur part est synonyme de peur autant que d’excitation. On les sait capables du meilleur comme du moins bon (car « pire » ne peut décidément pas les définir, tout de même) ; ainsi, leur dernier LP, « With Us Until You’re Dead », nous avait laissé sur une impression d’inachevé, avec une première partie d’anthologie bientôt balayée par des choix artistiques plus douteux. Puis « Restriction » arrive : une pochette simple, sobre et lumineuse, qui laisse imaginer une rédemption. Ou du moins un retour vers la grâce, même si l’essai n’est pas complètement transformé.

Et la crainte de s’installer avec « Feel It » et « Restriction » que l’on croirait tout droit sortis du disque de Thom Yorke et d’Atoms For Peace (la similarité des titres introduisant les deux disques est flagrante, quoi qu’on puisse en dire). Mais, comme pour chaque nouvelle création, on décide de ne pas rester sur cette impression première, de fouiller les cendres encore fumantes des meilleures prestations de Darius Keeler, Darryl Griffiths et de leurs acolytes ; il y aura forcément autre chose, un pas en avant caché sous des artifices inutiles. Et de trouver les perles rares dans les moments de calme tout d’abord (Third Quarter Storm, malgré sa fin un peu abrupte) ou tempétueux (Crushed). Archive expérimente, touche chaque son avec délicatesse et offre ici un catalogue de nouvelles modifications acoustiques et électroniques, une collection de tonalités qui ne demandent qu’à être exploitées (Ruination). Les apaisements fréquentent autant la perfection (Black & Blue) que l’impression éphémère de déjà-vu (End Of Our Days), l’électro plus ténébreuse (Kid Corner) que subtile (Greater Goodbye). Tant et si bien qu’on reste coi devant ces révélations et qu’on ne sait pas trop quoi penser ; comme si l’innocence offrait autant de libertés que, justement, de restrictions.

Fruit d’un somnambulisme musical parsemé d’obstacles et de chutes dans la boue mainstream de la musique assistée par ordinateur, « Restriction » parvient cependant, souvent, à retrouver ce supplément d’âme qui convient si bien à Archive. Ces besoins vitaux de lancer les machines contre les murs de la bienséance, de donner à leurs morceaux les plus lisses des aspérités qui font d’eux autant d’hymnes utiles sans être pour autant se révéler novateurs. On sait alors que ces titres prendront une toute autre dimension lors de la tournée à venir, en lançant les élans effrénés d’arrangements sophistiqués dans les méandres de l’improvisation et du déchaînement de leurs éléments constitutifs. Derrière l’hésitation se cache un potentiel palpable, une envie de dépasser les frontières imposées par le format d’un album qui nous laisse interrogatifs et pantois. On pourrait vénérer le disque, on se contentera de saluer l’infaillible performance formelle du résultat. Mais c’est bien ce qui nous manque avec Archive : des passages faisant fi des frontières sans sombrer dans le n’importe quoi. Un bel album, oui ; mais également un LP frustrant.

Archive

On va donc surveiller ces diables électroniques sur les planches, en demeurant certain que « Restriction » trouvera sa place parmi les meilleurs shows de l’année qui commence et prendra une dimension plus attachante sur le long terme. En attendant, on garde espoir en se consolant avec ces mélodies parfois trop limitées mais prêtes à s’enflammer sur scène.

« Restriction » d’Archive est disponible depuis le 12 janvier 2015 chez Danger Visit et [Pias].


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Raphaël Duprez

En quête constante de découvertes, de surprises et d'artistes passionnés et passionnants.