[EP] SAGE – In Between

À la fois orchestral et numérique, SAGE tournoie dans des écarts savoureux et riche en surprises : « In Between » est le nouveau-né du genre mélanco-pop.

Sage - In Between

Sur ce fond de monochrome rose, on voit l’image d’un jeune homme, le buste déchiré en deux. Une partie de son visage nous esquive presque du regard, et l’autre partie nous laisse perplexe devant sa nuque. Deux évidences peuvent alors se présenter : est-ce l’image d’une césure ou d’une renaissance ? Évitons l’ébullition cérébrale, l’une ne va pas sans l’autre. Il est évident – et seulement dans le meilleur des cas – que ces deux interprétations s’enchaînent comme une vulgaire suite de chiffres. Ambroise Willaume, en doux et gentil homme, se veut concret et prospère dans l’image qu’il renvoie. Avec la plus grande des discrétions, il se retire en solitaire, laissant Revolver se reposer de sa ruée vers l’or, pour écrire sa deuxième métamorphose. Par un concours de circonstances domestiques (victime d’un cambriolage), le pauvre Ambroise se consola près de son piano et SAGE tire la preuve d’une quelconque rédemption, implacable dans sa forme et symbolique dans son fond. L’acharnement est le seul à mettre carte sur table.

De base pop, le jeune Parisien s’affirme dans la délivrance du commun : « J’aime aller vers ce que je ne maîtrise pas. » Autrement dit, il apprend autant qu’il désapprend. Il cherche l’inédit et se refuse à la répétition, en excluant le plus possible la mécanique couplet/refrain. Il se sert de l’électronique pour casser et surprendre le rythme. Néanmoins, ces ajouts numériques semblent nager dans le déjà-vu. SAGE aime se complaire dans cette nouvelle mouvance qui veut inscrire 80% des projets alternatifs actuels dans le filigrane électro. Non pas celle des grands de ce nom, mais l’électro qui sert de liant, fait de petits racolages et autres soubresauts, qui convoitise l’ossature indé de nos petits plaisirs. Passé ce dogme qui, on le sait, enrichit considérablement notre culture musicale, il serait tout bonnement injuste de venir affirmer le contraire. C’est cet apport divertissant, presque ludique, qui vient combler notre bonheur. On bave dessus, ni plus ni moins. Nous sommes les premiers insatiables, aux aguets et à l’oreille tendue, qui savourons déjà la prochaine lubie. SAGE le sait et remplit bien son rôle.

Sage

Les quatre pistes de l’EP « In Between » sont remplies de belles intentions. SAGE tire la corde des équivalences : le classique et le numérique y jouent les funambules sans jamais se ridiculiser. On dit que l’ombre de Neil Young n’est pas loin, que Satie et Debussy servent de tréteaux et que Benjamin Lebeau (moitié de The Shoes) est le coproducteur. Mis à part ces indications prestigieuses, l’EP fait le grand écart et joue ensuite à l’élastique avec une souplesse de grand sportif. Le piano, le violoncelle et les numérisations délicates se mélangent parfaitement et sans grumeau, comme une bonne vieille recette qui se fait et se répète avec amour. Bien sûr, l’amertume de la nostalgie se fait imposante dans « In Between » et « Summer Rain » et l’harmonie prend des allures futuristes sur la magnifique « Last Call Couples », où l’agitation se fait douce et le frisson désarmant.

« In Between » de SAGE est disponible depuis le 27 octobre 2014 chez Label Gum.


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Julien Catala

chroniqueur mélomane, amoureux des échanges créés autour de la musique indépendante