[Interview expérimentale] July Talk

Il est parfois bon de briser la monotonie des interviews format « questions-réponses ». Nous avons ainsi proposé à July Talk, quintet indie rock de Toronto, dont le 1er album éponyme sortait le 22 septembre dernier, une thématique originale : « une action, un titre, une histoire ». Nous avons ainsi donné une action comme point de départ à cet exercice et avons laissé le groupe canadien répondre avec une chanson et une histoire associées. Vous risquez d’être agréablement surpris !

crédit : Sean J. Sprague
crédit : Sean J. Sprague

Note for our readers: an English/original version of this interview is available below the French one.

Une chanson pour se réveiller : Paul Simon – The Obvious Child

Peter : Josh et moi avons fait un court-métrage quand nous étions en école de cinéma, et il y avait cette grande maison dans laquelle toute l’équipe a vécu pendant la durée du tournage. Chaque matin, on mettait cette chanson à fond dans la baraque pour réveiller tout le monde. Mais putain, vraiment à fond ! Je ne suis pas vraiment le genre de gars qui aime les moments où tout le monde se met en cercle pour jouer des percus, mais Paul Simon est un compositeur fantastique et ses chansons traduisent parfaitement ces instants si particuliers. Réveillez-vous avec ces tambours demain. Vous n’aurez même pas besoin de café.


Une chanson pour faire la fête toute la nuit : Lowell – Cloud 69

Leah : Lorsque vous écoutez Lowell, vous avez l’impression que c’est le genre de femme qui peut vous emmener à un vernissage artistique carrément prétentieux mais qui, dans les 20 minutes qui suivent, transforme le lieu en dancefloor, puis vous invite à échanger vos vêtements, à vous arroser mutuellement de Guinness puis à aller vous planquer dans la salle de bain pour vous embrasser doucement. Ensuite, vous pourriez imaginer qu’elle vous demande 10 dollars pour aller acheter un tacos au 7-Eleven du coin en affirmant qu’elle va revenir, et c’est le moment qu’elle choisit pour se tirer et tout ce qu’il vous reste, c’est cette chanson d’elle que vous vous passez finalement en boucle. Une chanson qui est pleine de sexe, de pouvoir, de mi-bas et de violence. Quoi de mieux pour une fête nocturne ?


Une chanson pour se battre : Minor Threat – Screaming at a Wall

Peter : L’une des chansons les plus puissantes jamais écrites. Si vous n’avez pas envie de vous battre avec quelqu’un après avoir écouté cette chanson, c’est qu’à la base, vous n’avez pas envie de vous battre tout court.


Une chanson pour courir : Blackalicious – Ego Trip by Nikki Giovanni

Leah : Les paroles de cette chanson sont tirées du poème « Ego Tripping (there may be a reason why) » de l’écrivaine, militante et éducatrice Nikki Giovanni, récité sur un sample basse-batterie. Le poème parle de la création, la religion, la géologie et la mythologie du point de vue le plus éloquent, omniscient et culotté possible. En moins de 2 minutes, il démonte à peu près tous les systèmes de croyances religieuses patriarcales et les normes sociales que nous connaissons, et suggère que si un créateur universel existe réellement, c’est plus certainement une femme noire, forte, divine, sans âge et sachant tout sur tout, qu’un vieux mec blanc barbu assis sur un nuage. J’adore plus que tout me jeter corps et âme dans des chansons qui me font sentir puissant. Écoutez cette chanson la prochaine fois que vous allez courir, fermez les yeux et vous aurez l’impression que vous pouvez voler.


Une chanson pour aimer : Captain Beefheart – Kiss Me My Love

Leah : Cette chanson est tellement salace que c’en est enivrant. Non pas parce qu’elle est pleine de sous-entendus sexuels ou de paroles grossières, comme la majorité des choses qu’on entend de nos jours. Les mots sont totalement innocents et doux, mais la batterie désinvolte, l’harmonica frénétique et la ligne de guitare grave vous donnent envie de vous rouler dans l’herbe humide de rosée avec quelqu’un qui ne se serait pas lavé depuis deux jours et qui sent vraiment la sueur. Les musiciens ont utilisé leur musique et leur pouvoir de séduction dans le seul but de coucher avec les fans qui les vénéraient dans les premiers temps de la musique pop. Il me semble aujourd’hui qu’il y avait alors un peu plus de classe et de décence humaine en jeu (d’un côté comme de l’autre). Je garde cette vision du sexe de la fin des années 60 et du début des années 70, quand les gens baisaient parce qu’ils ressentaient une réelle attirance liée aux phéromones et à un jeu malin de séduction, au lieu de faire comme maintenant des selfies à poil en fin de soirée tout en prenant de la cocaïne et en buvant des shots de Jägermeister. Peut-être que je me trompe sur tout cela. Pour moi, cette chanson est la quintessence du respect mutuel et de l’innocence humaine ludique qui a alimenté la révolution sexuelle de nos ancêtres fleuris, pendant leur jeunesse.


Une chanson pour rêver : Bob Dylan – Bob Dylan’s 115th Dream

Peter : J’aime me perdre et être confus suite à mes rêves et hallucinations. Cette chanson explique les choix aléatoires que nous faisons quand nous empruntons les escaliers tourbillonnants de nos cerveaux. L’intro me fait également marrer à chaque fois.


Une chanson pour dire adieu : Leonard Cohen – Chelsea Hotel #2

Peter : Un jour, alors que je travaillais dans un café de la banlieue ouest de Toronto, j’ai mis « The Best Of Leonard Cohen » et un client régulier m’a dit que l’intégralité du disque avait été joué aux funérailles de son père, peu de temps auparavant. La totalité de l’album est un moyen de dire au revoir, mais « Chelsea Hôtel n ° 2 » est tellement chargée d’émotion. Apparemment, Leonard Cohen regrette et s’excuse d’avoir révélé que la chanson est liée à sa rencontre avec Janis Joplin, mais je pense qu’elle est juste belle et honnête, et qu’elle nous éclaire sur qui elle était vraiment, de manière plus précise que n’importe quels interview ou concert ne pourraient jamais le faire. Vous pouvez éprouver la douleur qu’il ressent à cause de sa disparition dans cette chanson, mais plus important encore, vous pouvez comprendre pourquoi, lorsque Cohen et Joplin se sont rencontrés, ces deux-là faisaient partie des meilleurs de leur génération (et de tous les temps) ; ils étaient tout aussi peu sûrs d’eux, naïfs et humains que n’importe qui d’autre. Je trouve que les artistes ne sont pas habituellement si prompts à démystifier les apparences ou les idées fausses que l’on se fait sur eux, et j’aime la façon dont cette chanson ose exprimer cela.


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ENGLISH : Experimental Interview with July Talk

The rules: one action, one song, one story. Pick a song from a band who inspires you and tell us why this particular song goes with the theme.

crédit : Scott Blackburn
crédit : Scott Blackburn

A song to wake up with: Paul Simon – The Obvious Child

Peter: Josh and I made a short film in film school where the whole crew lived in this big house together for the whole duration of the shoot. Every morning we would pump this song through the whole house to wake everyone up. So fucking loud. I’m not exactly a « drum circle » kind of guy, but Paul Simon is a fantastic songwriter and his songs translate so well to this format. Wake up to those drums tomorrow. You won’t even need coffee.


A song to party all night long: Lowell – Cloud 69

Leah: When you listen to Lowell you might get the impression that she is the type of person who would take you out to a pretentious art opening and turn it into a dance party within 20 minutes, ask to trade clothes with you, shower you in Guinness and then pull you into the bathroom to kiss you sweetly. Then you might think she’d ask for $10 to go buy a taquito from 7-Eleven and say she’ll be right back, at which point she disappears and all you have left of her is this song to listen to on repeat. Brilliantly charged with sex, power, knee socks and violence. What could be better for an all night party?


A song to stand up and fight: Minor Threat – Screaming at a Wall

Peter: Among the heaviest songs ever written. If you don’t want to fight someone after listening to this song, you probably didn’t want to fight them to begin with.


A song for the run (We’re assuming this means a « song for jogging or exercising »): Blackalicious – Ego Trip by Nikki Giovanni

Leah: This song features the poem « Ego Tripping (there may be a reason why) » – by Nikki Giovanni (writer/activist/educator) – recited over a repeating drum/bass sample. The poem confronts creation, religion, geology, and mythology from the most eloquent, omniscient and badass perspective. In less than 2 minutes it pretty much dismantles all patriarchal religious belief systems and societal norms as we know them, and suggests that if some universal creator really exists, it’s more likely a strong, divine, ageless and all-knowing black woman than an old bearded white dude on a throne made of clouds. I really dig running to songs that make me feel powerful. Listen to this song next time you go for a run, close your eyes and you’ll think you can fly.


A song to love: Captain Beefheart – Kiss Me My Love

Leah: This song is so dirty that it’s intoxicating. Not because it’s full of sexual innuendo or crass lyrics like much of what’s out there today. The words are completely innocent and sweet but the lazy drums, frenetic harmonica and bassy guitar line make you wanna roll around in dewy grass with someone who smells like 2 day-old sweat. Musicians have used their music and appeal to sleep with adoring fans since the beginning of pop music. It seems to me there used to be a little more class and human decency involved (on both sides). I have this notion about sex in the late 60’s and early 70’s that people fucked based on real pheromonal attraction and artful seduction instead of late night nude selfies, cocaine and Jägermeister shots. Maybe I’m wrong about all that. To me, this song is the epitome of the mutual respect and playful human innocence that fed the sexual revolution of our flower child ancestors.


A song to dream: Bob Dylan – Bob Dylan’s 115th Dream

Peter: I love getting lost and confused in my dreams/hallucinations. This song explains the random choices we make when we are swirling down the staircases of our brains. The intro makes me laugh every time as well.


A song to say goodbye: Leonard Cohen – Chelsea Hotel #2

Peter: One day when I worked at this cafe in Toronto’s west end I put on « The Best Of Leonard Cohen » and a regular customer told me they played the album in its entirety at his dad’s recent funeral. The whole album feels like a way to say goodbye but « Chelsea Hotel No. 2 » is so loaded. Apparently Leonard Cohen is regretful and apologetic about linking this song to his encounter with Janis Joplin but I think it’s beautiful and honest and sheds light onto what kind of a person she really was more accurately than any interview or performance ever could. You can sense his grief over the loss of her in this song but more importantly you can feel how when Cohen and Joplin met, two of the best of their generation (and of all time) they were just as insecure, clueless and human as anyone. I find artists aren’t usually so quick to demystify facades or common misconceptions and I love how this song does just that.


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Fred Lombard

Fred Lombard

rédacteur en chef curieux et passionné par les musiques actuelles et éclectiques