[Live] Levitation France 2014 – Jour 1

Les 19 et 20 septembre 2014, Le Chabada a accueilli pour la seconde année la version française du concept Levitation. Référence incontournable de la musique psychédélique depuis 2008, Levitation s’illustre surtout par son emblématique Austin Psych Fest : un festival à la programmation et à l’ambiance psychédélique extraordinaires. Dans le cadre de son jumelage avec Angers, Austin a travaillé une nouvelle fois en étroite collaboration avec l’équipe du Chabada pour proposer un rendez-vous à l’affiche remarquable. Récits d’expériences sensorielles sensationnelles.

Zombie Zombie © Fred Lombard
Zombie Zombie

Article écrit à quatre mains par Fred Lombard et Yann Puron.


Eagles Gift

Le début de cette seconde édition de Levitation France a tout de symbolique. Le seul groupe angevin programmé, Eagles Gift, est à lui seul le parfait représentant du lien entre Angers et Austin. Après avoir fait partie de l’aventure Austin Pysch Fest en mai dernier auprès de Zombie Zombie et La Femme, présents le même jour à Levitation France, ce dernier concert sur la scène du Chabada les élève à un niveau supérieur.

Galvanisé et gagné par l’enjeu, – pas tous les jours qu’on a la chance d’ouvrir deux jours d’un festival à la programmation internationale – , le désormais quintet psych rock angevin installé sur la grande scène intérieure défend un set particulièrement intense où se chevauchent les voix de Simon au clavier et de Romain à la guitare, encouragées par les chœurs de Stw à la guitare lead hargneuse, la basse lourde de Chris et la batterie cadencée d’Hugo. Très en place, sérieux et confiant, Eagles Gift nous entraîne dans sa brume électrique, et nous plonge dans l’obscurité d’une véritable transe. Certainement leur meilleur concert.


Al Lover

Après la production locale, direction la scène extérieure pour un warm-up aux beats psychédéliques. L’occasion de s’échauffer en toute quiétude à l’heure habituelle de l’apéro et avant l’effervescence de la soirée, sur le DJ set du producteur de San Francisco, Al Lover, vêtu d’un t-shirt « Bad Trip » du plus bel effet. On adore sa description sur sa page Facebook « Taking drugs to make beats to take drugs to ».


Aqua Nebula Oscillator

Les Français de ce groupe autoproclamé « punkadélique occulte » nous font rentrer dans le vif du sujet à travers un univers bien choisi et ingénieusement exploité sur scène sous la forme d’une cérémonie. Chamanisme, magie noire, sorcellerie, vaudouisme, hypnose, perturbations de l’inconscient : la mise en scène et le spectacle sont à la hauteur des attentes du festival. Une démonstration visuele et sonore totale, qui nous régale.

Les robes pailletées, les cheveux longs, le brandissage d’une fausse tête humaine au début du concert sous l’injonction d’une voix inintelligible emplie de réverbération retranscrivent bien les origines du groupe : celle du leader qui après de longs voyages en quête de sons transcendantaux a décidé de former un « cirque spatial » visant à recréer une vision psychédélique sur scène. Le son des guitares est criard, la voix du chanteur a une tonalité mystique, les bruitages sont morbides, sales et physiologiques : Aqua Nebula Oscillator est sur scène une expérience vitale.


Spindrift

Changement d’ambiance et d’esprit ; Spindrift nous plonge au cœur d’un western à la Sergio Leone, sur fond d’Ennio Morricone. Ici pas de duels de pistoleros, mais de guitaristes, pour une aventure instrumentale au caractère cinématographique et parfois épique.

Redessinant les grandes épopées sauvages de l’Ouest américain, Spindrift emprunte autant à la violence du rodéo qu’aux poursuites infernales à cheval. Henry Evans, à la double guitare basse, cavale entre ses manches pour emporter les spectateurs dans une invocatrice danse de la pluie à l’heure des premières gouttes de la soirée. Une musique de genre, en phase avec la programmation comme avec les origines texanes du festival, à laquelle nous sommes peu habitués en France et que de rares évènements comme Levitation France nous donnent la chance de voir.


Orval Carlos Sibelius

Du rock à la pop, il n’y a qu’un pas et celui-ci est français. L’univers du projet parisien, entraîné par le chanteur et guitariste Axel Monneau, est délicieusement naïf et subtilement arrangé. Orval Carlos Sibelius propose sur certains morceaux comme le tube  » Desintegração » une mélancolie psychédélique aux colorations très anglo-saxonnes.

On appréciera notamment la spontanéité de jeu du groupe, cette poésie et cette tendresse mélodiques, parfois mélancoliques, mais toujours pleines de charme. Une sucrerie acidulée que l’on comparerait volontiers à un Divine Comedy balancé dans l’immensité de l’espace. Une douceur vaporeuse qui a permis de faire le plein d’ondes positives. Mention spéciale au son et à la dimension musicale fabuleuse apportés par le trombone.


Christian Bland & The Revelators

Guitariste des Black Angels d’Austin tête d’affiche de l’édition passée, Christian Bland, l’un des trois initiateurs du festival Levitation (avec Rob Fitzpatrick et Alex Mass) venait présenter son projet solo accompagné par son groupe The Reflectors.

Autant sur disque, le tout nouvel album « The Unseen Green Obscene » nous avait particulièrement emballés, et témoignait d’un amour certain pour les racines du psychédélisme, autant en live, noyé dans un trop-plein de reverb, Christian et son groupe ne sont aucunement parvenus à nous emporter. Vraiment dommage.


Kadavar

On ne cherchera pas une lévitation ou un trip hypnotique chez Kadavar mais plutôt une énergie, un souffle, une claque pour nous réveiller du concert précédent. On s’attend à du très lourd étant donné la prestation du groupe allemand au Chabada quelques mois plus tôt. Positionné au milieu de la scène, le batteur Tiger joue le rôle de chef d’orchestre et les ricochets entre, à sa droite, le chanteur et guitariste Lupus Linderman, et à sa gauche, le bassiste géant Dragon, font leur effet.

La salle est comble, les headbanging et les crowd-surfing durent. Kadavar inonde la grande salle de son hard rock sans jamais être dans l’absurde ou le grand n’importe quoi. La transe se ressent sur le solo de la guitare à la fin de « All Out Thoughts » et les fans de Black Sabbath sont aux anges. Un public subjugué, conquis, qui applaudira à tout rompre et en redemandera. Le point d’orgue de cette première journée.


Joel Gion

L’ancien tambourine man de The Brian Jonestown Massacre était très attendu et chacun était curieux à l’idée de voir ce que son projet à l’échelle solo pouvait donner sur scène. Accompagné de certains membres du groupe suscité, nous n’avons pas été déçus, sinon par la voix rarement juste de Joel Gion, la faute à un problème de retour (comme nous le prouvera son excellent concert acoustique le lendemain dans l’intimité du Cercle Rouge d’Angers).

Son air désinvolte assumé, presque simplet, ne l’a pas empêché d’offrir un rock psyché parfois très proche de ce qui était fait par son ancien groupe. On regrettera cependant les moments trop disciplinés, à trop chercher la rupture et l’originalité, qui seront vécus comme un coup de mou au milieu d’un set particulièrement convaincant. Restent la coolitude absolue et l’amour de la musique flagrant chez Gion. Cette aventure solo est une vraie réussite.


Zombie Zombie

Le batteur d’Orval Carlos Sibelius, Néman du duo Herman Düne et le touche-à-tout Étienne Jaumet nous proposent un concept électro rafraichissant en rupture avec le reste de la programmation vécue jusqu’ici. Deux batteurs en face à face synchronisé, accompagnés en arrière-plan d’Étienne Jaumet aux platines et au saxophone.

Des beats percutants et très stylisés enveloppés d’un aspect collégial et expérimental pour une formation faisant beaucoup penser à Aufgang par sa configuration batterie-boite à rythmes. Un potentiel important se dégage de Zombie Zombie et il pourra aller beaucoup plus loin qu’un remake de la BO des films de John Carpenter.


Woods

New York, Brooklyn. Woods est une pépite inattendue dans cette édition de Levitation France. La voix douce-aiguë du chanteur-guitariste Jeremy Earl rompt nos habitudes de la musique psychédélique et nous offre une halte de douceur à tendance écologiste. Le charme opère et les mélodies saupoudrées d’harmonica sont un régal.

Plus spontané que sur son dernier album « With Light and with Love », le trio essentiel prend en live la voie d’un Justin Vernon croisant sur sa route l’americana folk de Dylan. Un concert plein de tendresse et d’amour qui aurait gagné à être programmé plus tôt en soirée pour mieux s’imposer dans le cœur des festivaliers.


Ben Frost

Difficile de se fixer sur la prestation du producteur et compositeur australien Ben Frost. Aucune surprise sur scène si l’on a déjà écouté son album. En revanche, une incompréhension, une frustration sans nom pour ceux qui viennent le découvrir. Ben Frost propose des distorsions et des élévations divaguant dans les aigus et les profondeurs d’un son démesuré. Or, le compositeur propose de façon assourdissante des morceaux similaires à des introductions de techno à la Gesaffelstein.

Tout s’arrête ici, un electronica difficile d’accès, très lassant, totalement inaccessible pour les néophytes, – on a croisé quelques festivaliers passionnés de musique analogique et expérimentale venus spécialement pour l’artiste -, mais qui serait exceptionnelle dans le cadre de la bande originale d’un film. Des projections visuelles ont, à un moment, rendu le spectacle transcendant et d’une intensité spectaculaire insolite. Cela a duré moins de cinq minutes.


La Femme

Déjà venus en octobre au Chabada et ne cessant de tourner depuis la sortie de leur album « Psycho Tropical Berlin », les membres de La Femme, déjà programmés à l’Austin Pysch Fest en mai dernier, ont pour l’occasion conçu un live voulant faire écho à celui donné quelques mois plus tôt aux US. Embrayant avec « Amour dans Le Motu », la voix des deux chanteurs Marlon et Clémence est étrangement troublée par un effet de camouflage. Tout commence mal !

Les tubes sont méconnaissables, parfois joués entièrement en instrumental comme « Sur La Planche », quand d’autres sont ré-exploités d’une façon totalement déroutante. Une prestation (trop ?) originale gâchée par un Marlon à l’attitude souvent exaspérante, une choriste sans le moindre intérêt et un saxo danseur inutile. Autant de raisons à même d’expliquer le départ précipité de quelques festivaliers désillusionnés. Forcément décevant.


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Yann Puron

Découvreur musical avide d'émotions fortes aussi bien sur disques qu'en concerts