[EP] The Healthy Boy & The Badass Motherfuckers – Dolce Furia

Quelque part entre Leonard Cohen et Screaming Trees, « Dolce Furia » étale sa noirceur mélancolique sur quatre titres complexes et splendides.

The Healthy Boy and The Badass Motherfuckers - Dolce Furia

On peut souvent se laisser tromper par un nom, une définition, un propos qui n’est absolument pas significatif des intentions d’un groupe. The Healthy Boy & The Badass Motherfuckers est ainsi : alors que l’auditeur ne connaissant pas l’entité menée par l’artiste nantais Benjamin Nerot croit devoir se préparer à affronter un punk sale et violent, les premiers accords de « Dolce Furia » donnent immédiatement tort. Calmes et pesants, les délires harmoniques du EP posent un univers à la fois fier et dramatiquement intime, viciée de l’intérieur par un besoin d’invoquer la pluie sur des routes grises, sous un ciel noir prêt à charrier ses vents et averses sur des terres cendrées et arides.

Comment rester de marbre face à un aussi admirable talent de représentation par la musique ? Emmenant ses acolytes lyonnais dans un voyage où le sublime côtoie les ténèbres, The Healthy Boy coud les plaies ouvertes de couplets froids et sensibles, baignés de magnifiques teintures obscures et noyées dans l’ambre. Car c’est bien un prisonnier éternel, condamné à errer dans les tribulations de l’Histoire de l’art de la fin du siècle dernier, qui nous parle au travers de 4 chansons instruites et originales. Entre le blues enfumé et collant à la peau de « The Rule » et le rock énergique et calculateur de « Down Below », l’enchaînement des sons rappelle les enjeux les plus underground de la fin du XXe siècle, les épopées échevelées de Mark Lanegan ou de Nick Cave avant la rupture consécutive aux nouvelles facilités de production. Maladif et fébrile, le disque nous convie à une veillée dans une chambre d’hôpital nocturne, lorsque l’on prend la main de l’être allongé sur un lit immaculé mais poisseux de transpiration et que l’on attend l’issue, fatale ou non. Lorsque les premières lueurs du jour pointent à l’horizon mais que l’on n’ose regarder l’être aimé, de peur de ne plus le voir respirer.

Fermant les portes du folk pour mieux l’enfermer dans des structures libres et émouvantes (Cold Blood), Benjamin Nerot divague, s’étreint et serre des bras faméliques sur les contours d’un corps alité et exsangue, couvrant ses mélodies d’une voix grave mais incroyablement communicative des symptômes du vide émotionnel qui menace. Vibrante et proche de la césure, elle donne à entendre l’épuisement, la violence d’un abandon sourd mais que l’on n’accepte jamais de rejoindre, de croire immuable. « Out Of My Way Guilt ! », véritable déclaration d’amour à l’espoir qui s’amenuise mais parvient pourtant à garder une place infime dans l’état des lieux auquel on est introduit, dépasse les limites de l’expérience musicale en cours, parcourt les pores de la peau et nous fait frissonner de ces plaisirs interdits que sont le vague-à-l’âme et le repli sur soi. Les chœurs deviennent alors les chants rassurants d’âmes prêtes à renaître, à avancer, à ne plus abandonner l’autre sur le chemin de la dépression. Aiguisé et râpeux, « Dolce Furia » est un concentré de malaise contenu, de négatifs en voie de développement mais dont le noir et blanc fascine et fait trembler au plus profond de l’être.

The Healthy Boy and The Badass Motherfuckers

« Dolce Furia » de The Healthy Boy & The Badass Motherfuckers, sortie le 20 octobre 2014 chez Kythibong Records.


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Raphaël Duprez

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