[Interview] Mustang

Invité de choix des 20 ans du Chabada, le trio rock clermontois Mustang est revenu pour indiemusic sur son parcours, sur les textes et les compositions de son 3e album « Écran Total », sur son attachement irréfutable à la langue française sans oublier sa vision très authentique du live. Rencontre avec Jean Felzine, chanteur, guitariste et claviériste, Rémi Faure, batteur et Johan, bassiste.

de gauche à droite : Rémi Faure, Jean Felzine et Johan Gentile
de gauche à droite : Johan Gentile, Jean Felzine et Rémi Faure
  • J’ai remarqué qu’il y a plus ou moins trois ans qui séparent chaque album : « Écran Total » en 2014, « Tabou » en 2011 et « A71 » en 2009. Comment gérez-vous ce temps entre chaque disque ?

Jean Felzine : En fait, il y a eu plus de temps entre les deux derniers, alors comme on gère ? D’abord, on prépare la tournée, on écrit des morceaux, mais ça c’est vraiment en continu, on les arrange, et là y’a aussi eu un changement de label entre les deux disques, ce qui explique pourquoi ça a été un peu plus long. Mais essentiellement, on est un groupe qui répète beaucoup. On arrange les morceaux pour le live.

  • Ce nouvel album « Écran Total », comment l’avez-vous pensé au regard du précédent ?

Jean Felzine : On voulait être un peu plus exigeant sur le choix des chansons. Étant donné qu’il y a eu plus de temps entre « Tabou » et celui-ci, on avait plus de morceaux et on a voulu vraiment prendre le meilleur du meilleur. On a passé du temps à faire ce choix et tout autant dans les arrangements.
Maintenant, ce qu’on voulait, c’est d’arranger au mieux les titres, il n’y avait pas une grande idée sinon de faire un beau disque.

  • Sur ce dernier disque, y’a-t-il des morceaux qui sont venus spontanément quand d’autres ont exigé davantage de temps ?

Jean Felzine : Ouais, absolument ! Il y a des morceaux qui ont été écrits en une après-midi comme « Les oiseaux blessés », qui ouvre l’album, et d’autres qui étaient plus anciens comme « Les filles qui dansent ».

Johan Gentile : Et il y en a certaines qui ont été plus laborieuses à enregistrer comme « Ce n’est pas toi ». C’est un morceau qui, pour la petite anecdote, est né d’un jam. On a un Zoom comme tu as pour enregistrer, et bon, depuis le temps, on s’est mis à Ableton Live, mais on avait cet enregistreur et Jean a retrouvé sa première carte SD, et ce jam était dessus.

Jean Felzine : Il y avait la ligne de basse qui matchait avec une chanson que j’avais, avec les harmonies que j’avais. Mais après, ce morceau-là, comme il n’a pas format « pop classique », il a été long à travailler, car il fallait créer des évènements dans le morceau pour que la sauce prenne.
À l’inverse, « Sans des filles comme toi » qui a été écrit au dernier moment, on l’a arrangé de la manière la plus simple possible, et en trois-quatre répètes, c’était dans la boite.

  • Sur « Écran Total », on passe souvent du léger au grave…

Jean Felzine : Je crois que ça a toujours été un peu comme ça. Je trouve par contre que certains morceaux sont plus percutants que d’autres qu’on a eus.

  • Pour ma part, j’ai cette impression que les titres souvent plus légers reçoivent un meilleur accueil…

Jean Felzine : Peut-être, mais ça ne me semble pas aussi net. Je pense que dans notre public, il y a deux attentes. Il y a ceux qui veulent du rock’n’roll pour danser et ça tombe bien parce qu’on adore faire ça, et ceux qui aiment nos ballades, les choses un peu plus léchées, un peu plus aventureuses musicalement.
Comme c’est deux choses qu’on aime bien faire, on fait ça assez naturellement.

  • Jean, tu t’occupes notamment de l’écriture des textes, les travailles-tu en solitaire ou es-tu ouvert à l’échange avec Rémi et Johan ?

Jean Felzine : On peut discuter du choix d’un couplet à enlever, mais c’est moi qui les écris oui.

  • Qu’est-ce qui peut t’inspirer quand tu écris un texte ?

Jean Felzine : Je ne sais pas, ça peut venir à tout moment de la journée. J’ai toujours mon téléphone BlackBerry avec moi, sur lequel je note plein d’idées : des fois, c’est des phrases, parfois des idées de scénario pour une chanson. Je ne fais pas de séance de travail.
J’écris un peu en continu, en fonction de ce que je vois dans la rue, à la télé ou dans ma vie. Un peu tout, mais pas une chose particulière.

  • Y a-t-il une chanson sur laquelle tu as plus planché qu’une autre ?

Jean Felzine : Ouais, « La mort merde ». J’avais vite trouvé les phrases du deuxième couplet et à la base, ça ressemblait plus à une sorte de petit poème absurde. Enfin, pas si absurde que ça, hein ! Et j’ai mis du temps à le mettre en forme.
Les autres textes ont été écrits assez rapidement.

  • Et les textes viennent avant les compositions ?

Jean Felzine : Soit séparément, soit dans le meilleur des cas tout vient en même temps : le texte et la mélodie !

  • Et cet album, « Écran Total », vous l’avez testé sur scène avant de l’enregistrer en studio ?

Jean Felzine : Pas du tout, on a joué aucun, allez, un morceau « Les oiseaux blessés » un peu en concert avant. Et on n’a jamais trop fait ça d’ailleurs… Peut-être devrait-on plus le faire ?
Non, y’avait même plein de morceaux qu’on n’avait jamais joué ensemble avant de les enregistrer, ce qui était assez intéressant d’ailleurs.

  • « Écran Total », tu vois ce titre comme une critique des réseaux sociaux ?

Jean Felzine : Non, non, je le vois comme une chanson de jalousie. C’est un mec qui est à donf sur les réseaux sociaux donc il voit tout de suite que sa meuf like des photos d’un autre mec. Et l’inverse, ça peut d’ailleurs aussi être réciproque. Ça ne va pas plus loin que ça. Après, le titre est suffisamment ouvert pour marcher comme titre d’album.

  • D’ailleurs, cette pochette d’album, quelle est sa symbolique ?

Mustang - Ecran Total

Jean Felzine : Moi, je voyais l’écran comme un écran de fumée, un truc un peu nébuleux. Et c’est vrai qu’on a parfois une image un peu floue, qu’on fait des choses qui sont assez disparates.
Lescop avait dit que c’était un genre de casse-tête chinois, un truc comme ça. Finalement, le côté « Rubik’s Cube » de la pochette, ça matche avec le disque et ce qu’on fait.

  • Comme Lescop d’ailleurs, tu chantes en français, ce choix a-t-il toujours été assumé ?

Jean Felzine : Vraiment, les premières chansons, je les ai écrites en français. Je n’ai jamais compris qu’on puisse faire de la musique en anglais quand on est français… mais bon, il y’en a qui font ça bien, hein ! On ne s’est jamais posé la question, c’était toujours très spontané quand on a écrit des chansons.

Johan Gentile : Et pourtant, on avait des bonnes notes en anglais. Mais non, ça ne nous a pas empêchés.

  • Vous avez déjà eu l’occasion de collaborer avec d’autres artistes ? Vous avez des collaborations en vue ?

Jean Felzine : On l’a fait avec Mathieu (Peudupin) avant qu’il soit Lescop en fait. On l’a fait sur un morceau du deuxième album qui s’appelle « Tu mens », qu’on a coécrit, et on s’est rencontré assez souvent parce qu’on avait plein de connaissances en commun, et il y avait un respect mutuel.
On a également repris une de ses chansons et il a fait de même. Il avait repris « La princesse au petit pois », on avait fait « La forêt ».

  • Vous pensez à faire une tournée ensemble ?

Jean Felzine : Ça serait super, oui.

  • Et une collaboration sur son prochain album, vous en avez déjà parlé ?

Jean Felzine : Ah, ça, je ne sais pas, je ne suis pas dans l’intimité de son travail, mais ça serait avec plaisir qu’on collaborerait avec lui.

  • Pour revenir à « Écran total », certains titres sont plus pop que d’autres, plus radiophoniques dirons-nous. Pourquoi avoir choisi de mettre « Écran total » en premier titre avant le plus facile d’accès « Le sens des affaires » venu quelques semaines après.

Jean Felzine : Bizarrement, le label était plus frileux concernant « Le sens des affaires » au niveau du texte. Nous, on savait que le titre avait un potentiel, donc on l’a mis en avant. Et d’ailleurs, il est pas mal passé à la radio, donc je pense qu’on a eu raison. C’est agréable, j’espère, d’entendre à la radio parfois des chansons qui racontent pas n’importe quoi et dont le texte peut t’interpeller.

  • D’ailleurs, j’aime beaucoup le clip avec les mésaventures de ce vendeur de fleurs pakistanais et qui apporte une certaine légèreté au texte…

Jean Felzine : Oui, c’est ça et puis, c’est aussi un personnage typique parisien, le vendeur de fleurs : indien ou pakistanais. Et je ne connais pas de clips où il y en a un.

Johan Gentile : L’idée n’est pas venue de nous au départ. C’est un ami qui voulait faire un clip avec ce pitch et on s’est dit que ça pouvait coller au texte du « sens des affaires ».

  • Mustang, j’ai l’impression que ça ne s’inscrit ni dans une époque, ni dans un style particulier. Quelle musique vous parle aujourd’hui ?

Jean Felzine : Au sens général, on fait de la pop avec des chansons assez mélodiques, assez construites, assez courtes. On fait aussi du rock’n’roll car c’est énergique, avec un son très centré sur la guitare, la basse et la batterie.
Nos goûts sont essentiellement américains, jusqu’aux années 60. Il y a un peu de soul, beaucoup de rhythm’n’blues, de country, de rock’n’roll et de rockabilly.
Au niveau des références, il y en a plein : Elvis évidemment, Ray Charles et des compositeurs américains comme Burt Bacharach.
De même, les livres qu’on lit sur la musique sont plutôt orientés blues ou country.

Johan Gentile : On s’attache plus aux morceaux qu’à l’histoire de la musique, même si les deux vont ensemble.
Il y a un truc dans la musique roots qui est un peu impalpable, il y a une sorte de magie, c’est important de puiser dedans.
Tu vois, quand tu es bombardé de musique hyper forte, c’est bien d’écouter des trucs un peu plus à la cool. Avec du blues ou de la country 40s, il y a un truc hors du temps, tu vois.

Jean Felzine : Cela dit, en particulier dans les textes, je crois qu’on est dans le monde d’aujourd’hui. Et ça ne m’intéresse pas de raconter des histoires de « crossroads ».

  • Il y a d’ailleurs des références très actuelles dans vos morceaux.

Jean Felzine : Oui, on essaye de faire une musique vraiment spontanée, de maintenant. Alors peut-être qu’on utilise des codes musicaux qui sont anciens, mais je pense qu’on fait une musique très actuelle au fond.

  • Dans votre rapport à la scène, qu’est-ce qui change dans vos chansons quand vous les jouez en live ?

Jean Felzine : Déjà, on doit tout faire à trois, et on est absolument contre le fait de jouer avec des séquences. Il y a des arrangements au synthétiseur avec des systèmes assez alambiqués qui permettent, par exemple, de jouer avec une pédale une note de synthé, mais rien n’est préenregistré.
On a fait par le passé des petits trucs avec des boucles de boite à rythmes, mais là, on s’est dit : « on veut jouer des morceaux 1,2,3,4 » et ne jamais être figés dans le tempo. On est très flexibles.
Faire de la vraie musique live, ça nous prend beaucoup de temps. C’est plus long pour nous de préparer une tournée et des versions live des chansons, que de passer du temps en studio.
Je trouve ça un peu mortifère de jouer avec un son qui a été enregistré à un autre moment…
Et puis, c’est un plaisir de jouer live, de produire vraiment de la musique pour un moment de concert.

  • En concernant votre tracklisting sur scène, est-elle elle aussi très libre ?

Johan Gentile : On n’est jamais vraiment satisfait en fait. On a des morceaux d’ouverture et de fermeture, mais on est toujours à la recherche du set parfait, et on n’a pas encore trouvé le truc. Ça fait souvent des vagues si tu veux, c’est un peu les montagnes russes…

Mustang par Fred Lombard

  • Et en live, vous reprenez des morceaux des différents albums ?

Johan Gentile : Bien sûr, même s’il y a une majorité des titres du dernier album.

Jean Felzine : On joue toujours au moins deux trois titres des disques précédents, car ce sont des morceaux qu’on aime toujours jouer. On est très fiers de ces trois albums.

Johan Gentile : Le pantalon, Anne-Sophie, Qu’est-ce qui se passe, La princesse au petit pois, ça fait partie des titres qu’on joue souvent. Pas systématiquement, mais régulièrement.

  • Il y a une histoire avec le Chabada…

Jean Felzine : Ah, une longue histoire parce qu’on a été parrainé par Le Fair il y a quelques années, et le Chabada nous a soutenus. On a fait plusieurs fois des résidences ici, en mars dernier pour la plus récente. On aime bien l’équipe.

  • La première fois, qu’est-ce qui a provoqué cette rencontre ?

Rémi Faure : C’était le parrainage du Fair, on ne se connaissait pas personnellement, et c’est François Delaunay qui nous a dit : « ça vous dirait qu’on vous parraine ? ». On a fait une résidence ici et on s’est rencontré, le courant est bien passé et puis voilà !
Je n’irais pas jusqu’à dire que c’est une histoire de famille, mais on vient toujours ici avec plaisir.
Arrivé au 3e album, c’est important de rester avec les gens qui continuent à te soutenir, faut pas les oublier !

  • Si on devait revenir sur des concerts qui vous ont marqué, sur un public en particulier ?

Jean Felzine : À Amiens, La Lune des Pirates, où, la deuxième fois où l’on y a joué, les gens étaient vraiment fous. Y’a un concert à Clermont pour le court-métrage, où pareil c’était fou.

  • Et c’était chez vous !

Jean Felzine : Ouais, mais on n’a jamais été prophètes dans notre pays, donc là, ça a été plutôt une bonne surprise. En Corse aussi, je me souviens au Festival du Vent, et au Japon.

Rémi Faure : On a également joué une fois en prison, c’était une drôle d’ambiance.

  • Jean, en parallèle de Mustang, tu développes un projet avec Jo Wedin, suédoise et ancienne chanteuse de Mai. Où ça en est ?

Jean Felzine : Eh bien, on prépare un EP pour la rentrée, et on fait des concerts surtout en région parisienne pour le moment, pour des raisons essentiellement financières.
Les chansons sont en français, certaines de Jo, certaines que j’ai composé, ou qu’on écrit ensemble avec Johanna.

  • À suivre donc !

Jean Felzine : Oui, et on risque bien de faire tout un disque, ça va être cool.

  • Dernière question, est-ce qu’une tournée avec Jo Wedin, vous y pensez ?

Jean Felzine : Tu sais, dès que tu emmènes une gonzesse en tournée, ça peut poser des problèmes ! C’est pas les mêmes contingences que les garçons, tu vois.

  • Faudra prévoir un lit de plus !

Jean Felzine : Haha, ouais, à la limite.


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Fred Lombard

Fred Lombard

rédacteur en chef curieux et passionné par les musiques actuelles et éclectiques