[LP] Virgule – Les précieuses

Il fut un temps, où la cour s’agitait et les salons bavardaient. Il y eut les prémisses d’une révolution. Il y eut les discussions osées dans les bouches des femmes. Elles étaient celles qu’on appelait « précieuses ». Celles que Molière qualifia de ridicules. Et dans les Lumières d’un XVIIIe siècle européen, il y eut des mots, des voix plus hautes que les autres. Il y coula du sang et de l’encre. Et dans l’obscurité du XXIe, il y a Virgule qui réinvente la préciosité.

Virgule - Les précieuses

Tout commence par une teinte. Ce noir et blanc. Ce noir et blanc taché. Rincé. Éclaboussé. Une note de bleu comme on croit apercevoir l’éclaircie dans l’orage. La joie dans les souvenirs de conflits. Et ces filles, et ces femmes qui se dressent comme des guerrières d’une jeunesse milicienne. Le temps d’une image, Virgule donne à entendre la douce, mais terrible musique qui fera « Les précieuses ». Des précieuses comme huit chansons qui transcendent d’intelligence. Qui libèrent par leur ingénierie et leur puissance. Il n’y a pourtant là rien de militant, rien de revendicateur, mais dans ses mots, dans ses mélodies, Virgule affirme une réalité. Rien n’est caché, rien n’est oublié, rien n’est souillé. Tout est dit et sans violence. C’est peut-être là que le coup est plus brutal. Que le coup est fatal.

À l’image de la guitare qui ouvre l’album, tout n’est pas doux, mais tout est grinçant. La voix tiraille et bouscule la colère. Et le chant s’envole. Et les chœurs enivrent. Il y a dans les souvenirs ce quelque chose qui fait mal. Il y a dans les souvenirs cette chose qui n’est pas résolue. Ces choses qui explosent dans l’apesanteur des églises, dans la pesanteur d’un obscurantisme, dans la senteur des fleurs fanées. Les mélancolies ne se disent pas, mais s’affirment. Elles se crient. Elles s’écorchent. Elles se faufilent à travers les couloirs des pensionnats, agitant les draps des jeunes filles plus tout à fait prudes. Des textes vertigineux de détresse et pourtant si sublimes de poésie. Les mots ne sont pas fades, ils ont le goût des larmes, du sang et des rires. Ces saveurs acides et âpres qui se susurrent. Les chansons tapent dans les airs, comme on martèle des vérités à ceux qui ne veulent pas entendre. Dans le désespoir. Dans la conviction. Et tout le long de son album, Virgule chante les femmes. Celles aimées. Celles qui hantent. Celles dont la condition est à pleurer. Celles qui sont parties. Celles qui viendront.

Virgule

Huit chansons pour une traversée qui connaît la tempête et les eaux calmes. Huit chansons et des teintes musicales d’ailleurs, empruntées aux songes et parfois même au spleen des poètes maudits. Par dessus, la voix se perd dans des mélodies délicates et fragiles. Tel le funambule qui tremble à chaque pas, Virgule dresse une broderie de sens, de pleurs et d’aléas. Et dans cette sensibilité, les textes sonnent comme les ordres dans les chaos d’une bataille avec « Mezzanines ». Et si on doit prendre de la hauteur, pas sûr que « Les avions en papier » aient l’envolée belle. Virgule y laisse les cicatrices d’un amour passé sur lesquels des cuivres courent le plus solennellement possible. Les souvenirs dégoulinent et vont tacher les draps du lit conjugal. Jusqu’à l’apogée. Jusqu’à l’ultime dentelle qui se dessine dans « Le centenaire », où Okinawa surplombe telle l’épée qui se prépare à transpercer le taureau.

Ode à l’effluve féminine. Ode à la fragilité. Ode à la force. Ode aux poings et aux virgules que l’on dresse dans la pénombre. « Les précieuses » sont les mille et une façons d’appréhender le passé et ses failles. Le présent et ses échos.

« Les précieuses » de Virgule est disponible depuis le 12 juin 2012.


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Juliette Durand

étudiante en cinéma, arpenteuse des scènes parisiennes et passionnée des musiques qui prennent aux tripes