[Live] Chris Garneau au Lexington

L’émotion écorchée d’un Chris Garneau merveilleux et tremblant. Une somptueuse virée cafardeuse dans un Lexington mythique.

Chris Garneau © Julien Catala
Chris Garneau © Julien Catala

Le premier abord est celui des jugements, des préjugés vains et inutiles. Pentonville Road, North London, 19h24. La façade du Lexington peut être confondue avec la façade de tout autre pub londonien. Les mêmes moulures verdâtres, le même lettrage doré, la même porte en bois massif gonflé par x années d’humidité. Au vu de l’objectif de ma soirée, je réfléchis à deux fois avant d’entrer, presque persuadé de faire fausse route. Des hommes en costard bordent le bar, une femme charnue rit à plein poumon et le maitre de maison s’attache à remplir l’inventaire du jour. Je cherche la moindre lucarne où pourrait se cacher une quelconque salle dérobée. La femme me fait des signes et m’indique un petit recoin au fond du pub. Un escalier étroitement pentu m’amène vers ce quoi j’étais destiné.

Sur quelques mètres de parquet brun, la salle de concert se confond avec un bordel du début du siècle. Du velours rouge floqué recouvre les murs, des abat-jours à pompons servent de lustres et tamisent la couleur du nylon mural qui rend les lys rouge sang. En somme, un endroit terriblement érotique renforcé par la venue d’une pin-up acidulée aux allures de Kinder Surprise. Col à pois et chapeau bibi, Piney Gir et son équipe s’attèlent à accompagner l’audience dont l’attente était son seul ami. Un rockabilly pop burlesque déferle désormais dans l’antre du Lexington. Les corps de 100 personnes s’émeuvent, les joues s’étirent et prennent l’envergure suffisante pour nourrir les pommettes de la chanteuse. Son énergie folichonne agrémente les thèmes qu’elle aborde. Entre Halloween, road trip et sucettes aux fruits rouges, tout est prétexte à swinguer comme un bon enfant.

La chute sera donc longue et brutale. Dans une lumière bleu nuit qui dérange plus qu’elle émerveille, Chris Garneau vient tranquillement installer ses instruments. Petit être chaussé de Doc Martins et vêtu d’un haillon noir, il prépare ses deux synthés dans une sérénité absolue. Un dogme à lui seul. Rien ne compte, sa concentration l’envoie dans une autre sphère, unique et privée, où l’éloquence épineuse charme la timidité. Branlement de combat, il commence à jouer les premières notes de « Our Man » dans une proximité de salon. Sous une carapace cabossée de maux, il transmet l’amertume glacée de ses albums studio, de ses plaintes déchirantes et sournoises. Il continue sur quelques titres de son dernier album « Winter Games ». La beauté se confond au malaise, on ne sait plus si Chris est voué au supplice ou au plaisir. Les troubles de l’enfance déferlent dans les sublimes « Danny » et « Pas grave », entrecoupés de remerciements grabataires. Accompagné par Max à la guitare-voix et au pad électronique, il enchaine sur la nostalgie de ses débuts avec « Relief » et « Baby’s Romance » pour finir de nous trouer le cœur.

Les éloges de l’audience sont multiples. Chris nous lance un salut bref et part dans sa loge comme il en est venu, sur la pointe des pieds, timide et apeuré. Les gens se dispersent peu à peu dans un calme cérémonial. Le plaidoyer de Chris était tranchant, foudroyant et communément l’un des plus doux qu’il soit.


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Julien Catala

chroniqueur mélomane, amoureux des échanges créés autour de la musique indépendante