[LP] 3 minutes sur mer – Des espoirs de singes

Parfois, rien ne vaut un live pour saisir au mieux la force et le poids des mots. C’est définitivement le cas de 3 minutes sur mer, tant le projet parisien défend une musique de l’instant, où le chant est un tempérament, où d’une pulsion nait la rage, où les douleurs sont traitées à ébullition. Tant 3 minutes sur mer avance sans filet de sécurité sur son premier album « Des espoirs de singes ».

3 minutes sur mer - Des espoirs de singes

L’ouvrage du duo Guilhem Valayé (chant et clavier) et Samuel Cajal (guitare, groovebox et sampler) se sera construit sur six longues années, à l’image d’un parcours itinérant martelé sur scène, de bars en salles de concert. Six années durant lesquelles les rencontres ont parfois laissé place aux questionnements. Et puisqu’il fallait se décider, s’astreindre à poser un jour les mots et les notes sur disque, les immobiliser comme on saisit l’instant, les deux musiciens ont choisi sans hésiter la captation live pour souligner l’intensité de deux nuits de concert. Celles du 9 septembre et du 15 octobre 2011 sur la scène du canal Jemmapes. Puis vint l’envie de s’essayer à autre chose, alors pourquoi ne pas revisiter en acoustique certains titres, pourquoi ne pas en tester d’autres dans l’intimité de l’accueillant studio parisien du Poisson Barbu.

« Des espoirs de singes » présente 17 titres, des longs, des larges, des courts, c’est parfois trop, trop d’envie de tout donner en une fois, à voir, à entendre, à vivre. Alors on retient surtout de cet album, quelques grands titres là où d’autres sont plus inégaux.

Il y a d’abord le prenant « Nous n’avions pas encore le temps ». Cinq minutes sous pression, où la voix, où les instruments se font de plus en plus consistants, graves et furieux. De la hargne pour mettre en condition, pour faire le premier pas et imposer d’emblée sa trace et sa marque.

Quand on écoute la voix de Guilhem, on pense à Gaëtan Roussel, période Tarmac ou Louise Attaque, peu importe, mais surtout, à Bertrand Cantat quand il s’emporte et porte avec force ses textes. Guilhem est stupéfiant et fascinant dans ce jeu vocal, qu’il porte et vit corps et âme. Comme une transe.

Il y a ces autres titres qui marquent l’esprit à la première écoute, comme beaucoup d’autres après ; la tension sous-jacente de « L’eau chaude », l’électricité dans l’interprétation, la violence des guitares et des rythmes, fracas total suivi d’applaudissements.

« Porcelaine » nous souffle alors par son interprétation. On reste sans voix et tourmenté par l’authenticité des textes : « j’ai l’cœur qui tourne à plein régime, je perds des pièces sur l’bas côté / j’ai des manques à l’appel quand je manque à personne / mais je tiendrais ma langue pour mieux tenir parole ». Difficile d’ailleurs de choisir entre cette version électrique, grave et musclée, quand l’interprétation acoustique préfère la mélancolie poétique à l’emportement.
« Des espoirs de singes » respire les maux de deux trentenaires qui trouvent en la langue française les moyens de saisir toutes les nuances de leur projet.

De nos itinérances d’un titre à l’autre, on s’arrête longuement sur cette autre version, acoustique, de « Benzédrine », à l’apparente douceur, malgré tous ces nerfs apparents dans l’interprétation des deux musiciens.

3 minutes sur mer n’a pas encore trouvé repos. Il (y) a tant à dire, tant à crier, tant à dire, tant à partager. Et si la scène est leur dernier refuge, c’est bien là qu’il faudra les écouter à l’avenir.

crédit : Pierrick Guidou
crédit : Pierrick Guidou

« Des espoirs de singes » de 3 minutes sur mer est disponible depuis le 27 janvier 2014 chez Jouwan Records.


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Fred Lombard

Fred Lombard

rédacteur en chef curieux et passionné par les musiques actuelles et éclectiques