[LP] Tom The Lion – Sleep

Fraîchement arrivé, incandescent et faiseur de délicieuses nuances, « Sleep », premier album du Londonien Tom The Lion est l’énergie tamisée d’une émancipation juste et vaillante.

Tom The Lion - Sleep

Les minutes sont malignes. Elles représentent cette incroyable petitesse qui déclenche la suite des évènements, le catalyseur de tout engrenage manuel, visuel ou auditif. On ne s’en rend pas bien compte au début, trop polarisé sur ce qui se passe après. Les minutes déferlent à la hâte sans demander notre avis, traversent les heures, les jours et les mois, se dandinent fières et vaines, sans avoir le sentiment d’être plus ou moins fautives du temps qu’elles dépensent. Elles s’autosuffisent et avancent sans réfléchir aux conséquences de leurs actes.

Tom ne leur en veut pas, il est juste rudement culotté de les avoir arrêtées puis emprisonnées entre les cloisons de sa chambre, ses doigts délicieusement pris dans les touches et les cordes de ses machines à bruit. Il est évident que ce phénomène ne se contrôle pas. Mais on savoure secrètement les bienfaits surnaturels de cette bulle exclusivement dédiée à l’écriture, de cette entrave où la pensée est attisée et sereinement cultivée.

Tom The Lion survient en premier dans une boite en bois, pyrographié d’un lion stylisé. Assez original quand on sait que ce bois renferme en réalité son premier album « The Adventures Of Tom The Lion ». Disponible seulement à la Rough Trade (pour faire dans l’accessiblement lourd), cette édition recyclable est le trésor d’un début remarquable, un indie-folk malicieux qui rassemble des titres romanesques divisés en chapitres, articulés comme ceux d’un Patrick Watson en pleine crise d’adolescence qui s’essaye au clavier numérique (« He Who Will », « Assurance », « No Mercy, No Mercy! »). Invité à enregistrer une session live dans les studios de Maida Vale, Tom prend de l’assurance dans le passage oblige de tout artiste : « Je n’avais jamais fait de direct auparavant parce c’est un projet de chambre. Évidemment, c’est très différent de chuchoter dans un micro avec les voisins autour de vous. Autant dire que c’est la première fois que je chantais vraiment ».

La mue sonore apparait deux ans après, sous les traits de son véritable premier album « Sleep », nom qui traduit surement la passion somnambulique de son retirement. Bien que l’acte en lui-même soit plein d’ardeur, Tom grandit et déchire son cocon. L’alt-folk frileux et bon enfant laisse place à un folk-rock nébuleux qui se meurt comme la tombée d’un artifice en feu. Chaque élément est à sa place, chaque son est utile et nuance le suivant. Une osmose parfaite entre des guitares électrisantes et soyeuses, des vacillements électros épurés et la voix de Tom, semblable à celle de Michael Stipe et Jeff Buckley dans leurs années dorées. Les titres se bousculent et les variations s’affolent. Douze morceaux criards de bon sens et de raffinement comme les fantomatiques « Ragdoll » et « Oil Man », l’aquatique « Sleep », les tubes en puissance « Motorcade » et « Heal », ainsi que les chorals « Winter’s Wool » et « Come To Life ».

« Sleep » est une écoute fortuite et franche, doucement sauvage, langoureuse, à rebrousse-poil. On est impressionné et fasciné par le faculté de Tom à égaler ses propres influences, pour le moins riches et divergentes. Ce disque est le monument d’un jeune affranchi qui se déclare roi de la jungle avant tout. Légitimité accordée.

Tom The Lion

« Sleep » de Tom The Lion, sortie le 3 février 2014 chez Decca Records.


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Julien Catala

chroniqueur mélomane, amoureux des échanges créés autour de la musique indépendante