Rencontre avec Camel Arioui, la chanson française aux mille parfums

En véritable poète, Camel Arioui, amoureux des mots et de la chanson française, comme des terres bordelaises où il a grandi, vient de sortir en octobre dernier son premier album « La java des anges ».
Un disque métissé à l’image des cultures qu’il côtoie, des musiques qu’il écoute et des rencontres qui le construisent.
Loin d’être accro à la chanson française, je me suis pourtant pris d’intérêt pour sa musique.
Camel nous fait la visite dans cet enregistrement de son monde intime, jamais intimidé, encore moins intimidant, où l’on se prend d’intérêt pour ses histoires, aux parfums d’ailleurs parfois, ensoleillées et dansantes sur « Miami Beach » et « Du toit de ma cité ». Et on en découvre d’autres inspirés par l’histoire de ses parents, en tant que fils de harkis, sur « Indigène » et ses souvenirs d’enfance sur « Ma daronne ».
« La java des anges », c’est au final une sorte de dégustation aux mille saveurs, aux mille parfums qu’il serait vraiment dommage de ne pas apprécier à sa juste valeur, celle d’un album au naturel, authentique et touchant.

Je vous propose une rencontre avec ce conteur d’histoires, avec ce poète musicien qui a accepté pour indiemusic de dresser son premier bilan sur ses six années en tant qu’artiste.

  • Bonjour Camel, je te proposes de te présenter à travers quelques mots…

Comme une ombre sortie de nulle part, je suis devenu artiste par la force des roses, métamorphose.
En 1996, premier jet d’écriture, une envie de me raconter pour laisser une trace sur cette terre et de me rapprocher de ceux qui sont partis trop tôt.
J’ai foulé la scène, le 28 octobre 2006, premier pas.
Originaire de Bordeaux avec une pointe d’accent que je revendique, je trace la route en semant des métaphores que j’ai pécho, au fil des ruisseaux de la vie qui s’écoulent et perdurent aux effluves de mon cœur qui bat la mesure.

  • Belle introduction. Tes textes sont principalement autobiographiques, y-a-t-il des périodes de ta vie en particulier sur lesquelles tu souhaites communiquer avec ceux qui t’écoutent quand tu écris tes paroles ?

Quelques chansons ont une empreinte symbolique qui situe un vécu bien ancré dans le présent. Cela permet de ne pas oublier d’où on vient. L’enfance revient souvent parce qu’elle était belle et à la fois âpre. C’est celle-là qui m’a forgé une belle carapace et qui m’a servi dans l’adversité pour gagner des batailles.

  • À côté de tes textes qui touchent à ton vécu, qu’est-ce qui est à même de devenir un sujet de choix pour l’écriture de tes chansons ? As-tu un exemple pour l’illustrer d’ailleurs ?

Je n’ai pas vraiment de choix et de direction d’écriture en particulier.  J’écris comme je respire, quand je suis à Paris et que l’air est pollué, je tousse quelques mots qui dérangent.
Quand je suis dans les vignes du côté de Bordeaux, je vendange quelques grappes de rime embrassée sur l’humanité en général.
Quand je suis dans le train au fond d’un compartiment, je siffle le méli-mélo du quotidien, quelques mélodies qui parlent d’amour, de rêves inachevés, du présent et du futur.

  • Tes débuts dans la musique remontent au mois d’octobre 2005. Six années sont désormais passées. Comment a évolué ta relation avec la musique que tu joues au fil de ces années ?

J’essaie de l’apprivoiser encore, elle me botte le cul quelques fois, car je suis têtu, mais elle commence à tomber amoureuse de l’artiste en devenir. Je la trouve belle, mais à la fois infidèle. Du moment que tu le sais, tu as une petite longueur d’avance. Le maitre mot, c’est de croire en ses chansons et avoir une bonne colonne vertébrale sur scène.

  • Ton premier album « La Java des Anges » vient de sortir, peux-tu le présenter aux lecteurs d’indiemusic ?

C’est douze pierres d’agates où l’on devine le monde ; mon album épouse la panoplie des sentiments humains et ne laisse pas indifférent.

  • Comment s’est passé d’ailleurs l’enregistrement ?

Les prises de son ont été faites au studio Polygone à Toulouse. Quatorze musiciens y ont participé. Pas vraiment le temps de chaumer ! En tant que réalisateur, j’avais le rôle de boss et c’était mon oreille qui validait chaque prise de son. En studio quand je doutais d’une mélodie, je pensais au public à la sortie des concerts qui avait aimé telle ou telle chanson. Ça me permettait de ne pas dénaturer l’amour pour une chanson ou partir dans le bling-bling ou boum boum, et laisser place à la mélodie, au texte. L’aboutissement de cet album a laissé place à plein de rencontres et d’amitiés musicales.

  • Les titres sont-ils les fruits des derniers mois d’écriture et de composition, ou ceux de tes six années d’expérience musicale et surtout scénique ?

Il y a des titres qui ont muri sur scène au fil de ces six années et d’autres six mois avant l’enregistrement. « Boniment » et « La Java des Anges » sont des titres écrits sur mesure pour surfer sur une autre vague.

  • En découvrant une vidéo de toi capturée au Festival de Poupet en 2010, j’ai pu constater que ton univers ne se cantonne pas à la chanson française à textes. Tu oscilles également entre le slam, la musique traditionnelle nord-africaine et le flamenco même. Qu’est ce que t’apporte ce mélange des cultures ?

Mes origines algériennes m’ont refilé quelques dattes sucrées, du thé a la menthe, un vieux 45 tours de Oum Kelsoum et une derbouka. Mon ami gitan espagnol m’a prêté sa guitare et une cassette de Camarón de la Isla. Les têtes de faits divers de la cité d’à côté m’ont prêté leur vieux stopo avec un CD de Docteur Dre et IAM. J’aime les croisements de style et je prends un malin plaisir à faire des Big Up musicaux aux artistes qui m’ont inspiré humainement et artistiquement.

  • Tu as joué en première partie d’artistes reconnus tels qu’Aldebert, Olivia Ruiz et Jacques Higelin. Si tu as eu l’occasion de discuter avec eux, que t’ont-ils apporté, quels conseils, quel avis retiens-tu d’eux ?

Higelin qui est quelqu’un de bien m’a dit qu’il s’était pris plein de râteaux sur scène pour en arriver là, et qu’il faut savoir ce que tu veux leur faire avaler quand tu montes sur scène. Ça remet les pendules à l’heure. Rien n’est acquis, il ne faut pas s’improviser artiste simplement pour amuser la galerie. C’est un métier très dur. Il faut faire confiance à l’émotion et au charisme que les anges ont posé sur ton berceau, la chanson tant attendue à ce moment-là suivra, mais il faut y croire.

  • Si je te demande trois concerts qui t’ont marqué particulièrement, quels sont-ils ?

Le tremplin chanson au festival de Luxey où j’ai vécu ma première ovation. J’ai compris pourquoi ce métier était renversant.
À la salle de la Maline sur l’île de Ré. C’était mes premiers pas sur scène en solo en octobre 2006. La magie a opéré.
Et enfin la première partie d’Allain Leprest à l’espace Jemappes à Paris, avec un homme malade et combatif assis sur un banc avant la représentation. Je me suis dit « tu n’as plus le droit d’avoir le trac p’tit morveux ».

  • Si une rencontre au cours de tes six années consacrées à la musique a changé beaucoup de choses pour toi, quelle est-elle ? Et pourquoi ?

La rencontre avec la Bretagne et le bagad de St Malo (Quic en Grogne). Le public est généreux là-bas et m’a transmis le virus du celte et la puissance de ses légendes musicales. À exploiter…

  • Tu vis désormais à Lyon, est-ce un lieu de choix pour jouer et échanger autour de la musique ? Par rapport à Bordeaux où tu vivais auparavant ?

J’ai vécu et grandi à Bordeaux et depuis 3 ans je suis devenu Niortais d’adoption ; Niort des Deux Sèvres. Il y a une salle de boxe où je m’entraine deux fois par semaine et le restant de la semaine, j’ai la chance de la transformer en salle de répétitions. Seul sur le ring avec ma guitare, un micro chant et un ampli, je boxe la vie en pensant à Serdan et Piaf. Je grandis de répet en répet. Y’a pas de secret, peu importe l’endroit, la ville, il faut bosser…

  • Merci Camel pour ton attention et ton intérêt pour indiemusic, et je te souhaite une excellente continuation dans ton beau projet plein de sincérité.

Vous pourrez découvrir Camel Arioui au Zèbre de Belleville, à Paris, le 25 janvier.

Fred Lombard

Fred Lombard

rédacteur en chef curieux et passionné par les musiques actuelles et éclectiques