Adrugan forme l’un des duos folks français les plus remarquables à l’instar de Cocoon ou d’Herman Düne. Déjà musiciens avant leur rencontre, Laurent et Pierre-Marie ont rapidement accordé leur passion commune pour la culture folk en défendant aussi bien leurs textes en français qu’en anglais.
Avec Adrugan, c’est avant tout un voyage plein d’émotion au cœur de la musique folk qui nous est livré, avec une sensibilité et une intensité incroyable.
Pour indiemusic, Laurent et Pierre-Marie nous présentent Adrugan. Rencontre avec ces deux passionnés de musique qui un jour ont décidé de vivre de leur amour pour cet art.
- Bonjour Laurent et Pierre-Marie, depuis 2008, un projet musical vous réunit autour de la néo folk, son nom ; Adrugan. Comment est né ce projet, qu’est-ce qui a déclenché cette envie de jouer tous les deux ensemble ?
Pierre-Marie : Le projet est né du hasard des rencontres, comme un accident agréable. J’ai pris Laurent dans la figure comme on marche sur un râteau. J’ai su très vite que je devais faire de la musique avec ce mec.
Laurent : PM m’a contacté, car il cherchait un batteur pour enregistrer des chansons en studio. J’ai écouté ce qu’il faisait via MySpace, et j’ai tout de suite accroché.
- Ce nom ; Adrugan, qui signifie-t-il pour vous ?
Pierre-Marie: Adrugan est le nom d’un papillon nocturne qu’on ne trouve que dans les marais picards. Mais c’est aussi le nom d’un continent perdu et l’anagramme de mon nom de famille !
- Vous formez un duo atypique guitare-voix et batterie. Pourquoi avoir fait le choix d’une formation réduite à l’essentiel ?
Pierre-Marie : Le duo est la dimension adéquate pour Adrugan. Si on réduit les fondations d’une musique aux piliers que sont la mélodie, l’harmonie et le rythme, on peut dire qu’au sein Adrugan, Laurent apporte le rythme et j’apporte la mélodie et l’harmonie. Le fait qu’on ait au départ chacun des territoires séparés, mais soudés permet une grande liberté individuelle et une efficacité d’ensemble immédiate.
Lorsqu’on développe un morceau chacun, va au bout de ses idées et de ses envies, et l’addition des deux produit quelque chose qui nous échappe, qui a une identité propre. En résumé, cette formule permet de s’exprimer chacun sans concession ni limite tout en travaillant ensemble et à l’instinct.
Pour autant nos territoires sont de moins en moins étanches, car Laurent fait des incursions dans l’harmonie avec son jeu de batterie (cymbales, toms, percus) et il utilise désormais sur scène un sampler qui lui permet d’apporter de la couleur et de l’intensité sonore.
Par ailleurs, Adrugan n’est pas un projet fermé, on aime bien intégrer ponctuellement d’autres musiciens ou participer sur d’autres projets.
Ça nous permet d’agir et réagir plus vite. Par ailleurs, nous avons 2 formules, électrique ou acoustique, de ce fait nous pouvons nous adapter à de nombreuses situations et contraintes des lieux de diffusion.
- Si la musique ne vous avait pas réuni, qu’est-ce qui aurait pu en être le facteur ?
Pierre-Marie : C’est difficile de répondre tant il me semble évident que c’est la musique et spécifiquement ce projet qui nous relie. Adrugan ce n’est pas une histoire de potes qui se mettent à la musique, mais plutôt une histoire de musiciens qui montent un projet qui les rend amis. Car faire de la musique, c’est aussi rencontrer plein de gens, voyager, vivre ensemble, tout cela crée des liens très forts.
Laurent : Le Fernet Branca ?
- Comment se passe l’étape de la composition à deux ? Comment fonctionnez-vous pour l’écriture des textes ?
Pierre-Marie : Pour la composition des musiques, j’envoie des maquettes plus ou moins abouties à Laurent, le plus souvent de simples guitares voix enregistrés au click (au métronome). Quand un titre lui parle, il le bosse et me renvoie une partie de batterie. Même si on se voit très souvent, on s’échange les fichiers par internet, ce qui est très pratique, car chacun peut creuser ses idées de son côté. Lorsque Laurent me renvoie une proposition de tournerie, on sait qu’on tient une base viable et c’est ensuite tout naturellement qu’ on profite d’une répétition pour envoyer la sauce. On développe par la suite pour la scène ou pour le studio. La décantation est plus ou moins longue. Parfois un titre s’impose dans le répertoire de façon urgente. D’autres fois, on sait que le morceau demande une maturation et pourra être développé plus tard.
C’est plutôt Laurent qui donne l’impulsion pour le développement « live » d’un titre et plutôt moi qui développe le côté studio.
La méthode de travail varie. Ben et Anthony connaissent bien l’univers d’Adrugan et proposent spontanément des textes sur mesure. Anthony a des fulgurances et nous les confie, Ben travaille davantage dans l’échange, …on a d’ailleurs fait un séminaire de travail mémorable cet été !
Pour marier textes et musiques, je travaille les mélodies à partir des mots que me proposent les auteurs, mais j’ai aussi des mélodies d’avance dans mes tiroirs qui peuvent bien convenir avec un texte proposé. Il est très rare que la musique et le texte naissent en même temps.
- Définir sa propre musique n’est jamais chose facile, quels mots mettriez-vous sur la vôtre ?
Laurent : Si on veut résumer en 3 mots, on dirait chanson française pop.
Pierre-Marie : Même si ça parait décalé ou désuet j’ai envie de parler de romantisme au sens « baudelairien », heu… pas au sens « julioiglesiasesque » !
Avec Adrugan, nous cherchons l’évasion, l’exaltation et le ravissement dans l’imaginaire, le sublime, parfois le morbide, l’exotisme, une certaine nostalgie…c’est une définition pratiquement littérale du romantisme.
En fait, j’ai compris tout cela récemment. Je me demandais pourquoi j’éprouvais la même émotion familière en écoutant des artistes qui n’ont à priori rien à voir entre eux : Buckley, Ferré, Debussy, Bashung, Archive, Brel, Waits, Piazzolla, Sigur Ros, Piaf, Antony & the Johnsons… J’ai tilté. Le lien entre tous, c’est le romantisme.
Toutes mes influences sont là et se condensent dans notre musique et dans nos textes. On retrouve les thématiques romantiques dans toutes nos chansons et dans la façon dont on les interprète sur scène.
- Si on revient aux débuts de votre projet, l’anglais était votre langue de prédilection, c’était l’époque de Gemini,en 2009. Comment et pourquoi avez-vous choisi de vous orienter vers des textes en français avec les Lunes Rousses fin 2010 ?
Pierre-Marie : Pour des raisons de cohérence. Même si on travaillait avec les textes d’ un auteur anglais, je n’assumais pas l’anglais sur scène, au-delà de l’accent gaulois, j’ai un phrasé francophone, c’était pesant de bâtir un répertoire là-dessus. La rencontre avec Ben et Anthony a réglé la question. Désormais le répertoire repose sur des textes français, et du coup ça devient plus facile de placer une ou deux chansons en anglais.
- Vous avez publié en août dernier un concert live enregistré à Buenos Aires. Par quel « hasard » ce concert a-t-il pu se faire ? Comment le public argentin a-t-il accueilli votre musique ?
Pierre-Marie : Par le biais d’un réseau social bien connu. On a testé diverses campagnes de promotion du groupe et on a été surpris des retours de l’Amérique du Sud, notamment de l’Argentine, de l’Uruguay, du Vénézuéla ou du Mexique.
De mon côté je rêvais de l’Argentine depuis tout gamin, rapport à St Exupéry, à Corto Maltese, au tango d’Astor Piazzolla, bref… des choses qui relèvent de l’imagerie enfantine et populaire. Donc on a creusé. J’ai envoyé des mails à une quinzaine de salles à Buenos Aires et c’est un gros organisateur qui nous a dit banco. Le concert s’est super bien passé, on a eu des retours incroyables.
- Votre musique vous a-t-elle amenée à jouer dans d’autres pays ?
Pierre-Marie : La Belgique. On adore jouer le bas et on adore spécialement Bruxelles. Les Belges ont la joie de vivre, la profondeur et un côté décalé. À chaque fois qu’on joue là-bas, on découvre des groupes incroyables et décomplexés.
- Quels sont vos meilleurs souvenirs de concerts pour chacun ?
Pierre-Marie : Le concert de Buenos Aires était un grand moment. J’ai aussi beaucoup aimé les deux concerts donnés lors du FIMU à Belfort ou la première partie d’Emily Loizeau à Abbeville en 2009. Mais bon à l’époque j’étais un peu amoureux d’elle !
Laurent : Je suis d’accord avec PM. À Abbeville, non seulement nous jouions dans un magnifique endroit avant une superbe artiste, mais en plus la salle était pleine et le public chaleureux. Ça chantait, tapait dans les mains…
J’ajouterais aussi la 1ère partie de Tony Joe White au Ziquodrome de Compiègne, c’était quasiment notre 1er concert, et nous avons eu aussi des retours très chaleureux. En plus pour l’anecdote, PM était sensé jouer seul, c’est un peu par hasard si nous avons fait cette date à 2.
- Et l’actualité du groupe ? Un nouvel EP ou album en projet ?
Pierre-Marie : On a la chance de faire plusieurs dates en tant que première partie sur la tournée de la chanteuse Daphné. On va aussi ouvrir pour les Brigitte, c’est vraiment chouette.
On a aussi un projet d’EP promo pour le premier semestre 2012.
- Quelle direction prendra ce nouvel enregistrement ?
Pierre-Marie : Il est un peu tôt pour en parler, mais cet EP sera assez proche de ce qu’on fait sur scène : direct et émotionnel.
- À côté d’Adrugan, un autre projet d’envergure a vu le jour ; votre label GoneProd qui compte dans ses rangs Pristine Grey, Tomislav ou plus récemment Katel. Comment conciliez-vous vos responsabilités inhérentes à votre label et celles de votre formation duo ?
Pierre-Marie : Goneprod me permet d’avoir une vision collective et de m’intéresser au développement d’autres projets. C’est passionnant de se sentir utile à d’autres projets.
Laurent : Il faut parfois arriver à séparer les 2 et avoir plusieurs casquettes. En tout cas c’est un projet intéressant et un bon apprentissage du milieu musical en général.
- Un artiste, un groupe à faire découvrir aux lecteurs d’indiemusic pour terminer l’interview ?
Pierre-Marie : Il faut écouter « My Brightest Diamond », la chanteuse Shara Worden a un univers incroyable. Rien de chic ni de toc la dedans, ce qu’elle fait est juste beau et « impressive ». J’attends le nouvel album avec impatience.
Laurent : Un petit coup de pouce à nos amis les Quixote, des Anglais basés à Berlin. Leur chanteur Cameron Laing tourne également en solo, c’est de l’excellent rock indie. http://www.facebook.com/quixoteonline
- Merci pour tout
Retrouvez Adrugan sur son site officiel www.adrugan.fr ainsi que sur Facebook, et l’intégralité de leurs albums en écoute et en téléchargement sur Bandcamp !
Crédit photos : Lara Herbinia